SUR LE RACISME, LA XÉNOPHOBIE, L’ANTISÉMITISME… ET LA MISOGYNIE
Géni(t)alité. Féminologie IV, des femmes-Antoinette Fouque, 2023
Intervention au Parlement européen, à Strasbourg, le 25 octobre 1995 à propos de la résolution proposée par la Commission des libertés publiques sur le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme.
Au moment où des centaines de milliers de Sarah Balabagan[1], partout dans le monde, y compris sur notre territoire, subissent non seulement le racisme et la xénophobie, inhérents au statut de migrant, proche de l’esclavage, mais aussi la violence et l’exclusion liées à leur sexe ;
au moment où, dans la plus puissante de nos démocraties, un million d’hommes noirs s’assemblent devant la Maison-Blanche pour témoigner soi-disant contre le racisme qui ravage encore le pays, mais en répondant à l’appel d’un leader lui-même xénophobe, raciste et antisémite et à l’exclusion des femmes noires ;
au moment où, fêtant son cinquantième anniversaire, l’ONU exhibe, avec la photo de la grande famille humaine, que sur 185 chefs d’État, on compte douze femmes ;
je pose aujourd’hui, à nouveau, la question que j’ai posée il y a un an, presque jour pour jour : pourquoi continuer de dissocier, ici même, la lutte contre les discriminations raciale, ethnique et religieuse, de la lutte contre les discriminations sexuelles, alors que nos textes de référence les associent intimement, explicitement, pour affirmer et consolider l’universalité de l’humain ?
Je cite l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme : « La jouissance des droits et des libertés… doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la religion, les opinions politiques… ».
Oublierons-nous encore longtemps qu’il est impossible de lutter contre cette haine de l’autre que sont le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, sans lutter, d’un même élan, contre le quasi-apartheid des femmes qui en est la racine, qu’on l’appelle misogynie, gynophobie ou sexisme.
[1] Jeune Philippine de 15 ans condamnée à mort pour avoir tué son employeur qui la violait ; suite à la mobilisation internationale (dont l’Alliance des femmes pour la démocratie qui a organisé pétition et manifestation), Sarah Balabagan a été libérée.