L’ALLIANCE DES FEMMES POUR LA DÉMOCRATIE

Gravidanza. Féminologie II, des femmes-Antoinette Fouque, 2007 (Poche, 2021)

Présentation de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, à l’occasion du 8 mars 1989, Journée internationale des femmes.

Nous avons créé « l’Alliance des Femmes pour la Démocratie » au début de l’année 1989, l’année du Bicentenaire de la Révolution française et de la Déclaration des Droits de l’Homme, pour donner à notre Mouvement un second et décisif élan.

Nous avons derrière nous vingt-et-un ans de luttes de libération, nous avons devant nous dix ans de travail de démocratisation, pour transformer en buts définitifs les essais que nous avons marqués, pour imposer notre pensée et notre action, et aborder en adultes de l’histoire, le XXIe siècle et le troisième millénaire.
Notre démocratie n’est pas une vraie démocratie, car les femmes en sont en grande partie exclues et sont loin d’avoir accédé au plein exercice d’une citoyenneté fondée sur leur identité spécifique.
Travailler à la démocratisation, c’est travailler à ce que l’histoire veuille bien considérer qu’il y a deux sexes, et que cette hétérosexualité, cette hétérogénéité est la condition de la richesse, de la fertilité de l’humanité ; c’est travailler à ce que l’État de droit reconnaisse la dissymétrie entre une femme et un homme quant à la procréation, et les affirmations qui en découlent, plutôt que de programmer une égalité idéale toujours en fuite. Car la différence sans l’égalité ne produira que de la régression psychique et de la réaction politique ; et l’égalité sans la différence, une assimilation stérilisante, une amputation psycho-sexuelle.

Plus que jamais, nous aurons donc, nous les femmes, à faire des gestes complexes, à mettre en travail la notion d’égalité, à nous construire des identités propres mais hétérogènes, à nous adapter sans nous renier, à nous intégrer en réintégrant aussi notre identité première, sexuée, originelle, à nous créer une identité mixte.
Pour en finir avec une « libido dérivée », un « droit dérivé », une « identité dérivée », nous devons travailler désormais à ce que le législateur de la Langue, du Symbolique et du Droit, tienne compte de nos exigences vitales. Il faut :

  1. inscrire dans la Constitution, que « tout être humain, sans distinction de sexe, de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés » ;
  2. élaborer une Loi-Cadre, à partir d’une « Déclaration Universelle des Droits des Femmes ».
  3. dégager du temps privé pour assurer une présence et une responsabilisation politiques ;
  4. faire reconnaître la production spécifique des femmes. Nous assumons pratiquement 100% de la procréation humaine, mais cette production reste exclue de toute inscription sociale, économique, professionnelle, culturelle, et politique. Ce travail est le dernier des esclavages. Non seulement le plus formidable apport de richesse de l’humain à l’humanité n’est ni reconnu, ni rétribué, mais il nous pénalise dans notre activité professionnelle et notre activité de création, alors même que la procréation est reconnue par les créateurs comme leur modèle ;
  5. continuer de nous former, de nous informer, de transmettre et de nous transformer ; créer de nouveaux champs de connaissances, de nouvelles sciences, à l’articulation des sciences pures et des sciences humaines, créer un champ épistémologique, les « Sciences des Femmes », allant de la gynéconomie à l’élaboration d’un « Corps de Droit » spécifique.

Il y a deux sexes. C’est une réalité dont l’histoire des droits devra désormais faire son quatrième principe, au-delà de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, si elle veut être digne de ses idéaux.
Partout dans le monde entier, la situation des femmes s’est aggravée ; les régressions sont inquiétantes, allant jusqu’à l’abolition des lois édictées en leur faveur. Mais partout dans le monde, les femmes sont conscientes, vigilantes et combatives.
Le Mouvement des Femmes a été et reste l’un des mouvements de civilisation les plus puissamment fédérateurs. Il continue à se déployer dans le monde entier. C’est un mouvement transnational mieux qu’international, qui pose dans chaque pays des problèmes spécifiques, mais dont les principes sont universels et généraux. Les choix politiques des femmes s’inscrivent donc à l’échelle planétaire. C’est dans un tel contexte que doit s’assumer une conception moderne des droits des femmes, de leur statut et de leur revendication identitaire. Elle entraînera des solutions à quelques-uns des grands problèmes actuels qui menacent la Démocratie.

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