FEMMES, SEXUALITÉ, POLITIQUE

Gravidanza. Féminologie II, des femmes-Antoinette Fouque, 2007 (Poche, 2021)

Tract distribué à une assemblée générale du Mouvement des femmes, aux Beaux-Arts, à l’automne 1970.

Notre mouvement a commencé en octobre 68, dans la foulée de Mai, en lutte contre les autoritarismes, Etat, Université, et contre les impérialismes, occidental et américain, dans l’ignorance totale du Women’s Lib américain, et sans aucune relation ou information quant à d’éventuelles associations féminines ou féministes françaises. Telle est son origine et son originalité.
Pour avoir fait naître et grandir ce mouvement depuis deux ans, nous souhaitons pointer quelques thèmes de travail qui nous ont occupées, donner un état de nos questionnements théoriques et de nos engagements politiques par rapport aux organisations, aux partis et aux divers mouvements nés comme nous de Mai 68.
Nous tenons aussi à souligner l’originalité de notre orientation au coeur même de ce mouvement, afin que se développe ce qui fait sens, direction et signification, pour nous, au moment de son expansion (conséquence de deux manifestations publiques : meeting à Vincennes, en avril, et dépôt d’une gerbe à la femme du soldat inconnu, en août), et après la publication des deux premiers documents à l’élaboration desquels nous avons participé, mais que nous n’avons pas signés (l’article dans L’Idiot International de mai, et le numéro de Partisans qui vient de sortir). Afin aussi qu’une idéologie de l’oppression, l’activisme et la médiatisation ne recouvrent pas la pratique théorique, la pensée critique et analytique, avec un ancrage du côté des textes contemporains (Lacan, Derrida…), l’acte de civilisation interprétatif, la force positive et l’action créatrice des femmes en contrepoids, en contrechamp à notre plainte légitime.

Politique et psychanalyse

Mouvement : mixité ou non-mixité ; homosexuation, nécessité face à un monde « hommophallique »
Femmes : Classe, race, espèce. Sexisme (ou misogynie ?) et racisme ; misogynie, fondement des racismes ; exploitation sexuelle + servage domestique + esclavage procréatif ; oppression et répression ; richesses spécifiques des femmes…
Féminisme : Idéologies en « isme » et avenir de ces illusions ; la logique du même ; féminisme et patriarcat ; féminisme comme envers de l’humanisme ; Athéna ; féminisme nécessaire et dangereux ; voie de disparition des femmes à long terme…
Indépendances économique, sexuelle, politique et symbolique, création de lieux : maison des femmes, maison d’édition, théâtre etc.
Travail : Travail-trimage et travail-création ; travail domestique et travail de la gestation ; activité professionnelle ; luttes dans les institutions…
Relations avec les organisations politiques : luttes des classes et luttes des femmes ; les organisations gauchistes et nous ; identité principale (femme d’abord) et identités secondaires ; double militance ; indépendance du mouvement…
Pouvoirs, Savoirs : Pouvoir mâle et pouvoir-faire, pouvoir-penser des femmes ; savoir des hommes et connaissances (co-naissances) des femmes, (im)pouvoir matriciel…
Crimes contre les femmes : L’inceste et le viol, les coups et les meurtres ; l’enfermement et l’exclusion ; l’offense et l’humiliation ; l’oppression et l’exploitation ; la misogynie sous toutes ses formes…
Le symbolique : Impérialisme du phallus ; les intellectuels, capitalistes du sens ; subversion de l’ordre symbolique (enfanter d’une fille altère et subvertit le patriarcat) ; inscription de la différence des sexes ; une généalogie des femmes ; sur quel sol fonder nos lois.
L’Histoire : La censure des femmes par et dans l’histoire ; parenthèse forclusive des femmes ; articulation de l’inconscient et de l’histoire ; de la préhistoire à l’après-histoire…
Lectures critiques de Marx, Engels, Lénine, Mao, mais aussi des penseurs contemporains, Derrida, etc.

Psychanalyse et politique

Analyse de nos contradictions internes et subjectives…
Relation à la mère : matricide, fondement de notre culture ; causes de l’ambivalence de la relation mère/fille ; généalogie femelle : mère/fille-mère/fille ; la mère, lieu d’identification majeur pour la fille ; premier corps d’amour…
Sexualité, Sensualité : Quelle libération sexuelle ? Hystérie et frigidité ; le sexe sans/avec le corps ; le toucher plutôt que la vue…
Procréation : L’envie d’utérus chez les hommes ; mère = femme + fils ; mère d’un fils, mère (?) d’une fille ; mère : génitrice + nourrice + éducatrice ; Procréation : œuvre et production ; Une libido utérine : « Libido 2 »…
Les femmes et la psychanalyse : questionnement de la théorie et de la pratique analytiques ; une seule libido, mâle, pour les deux sexes (Freud) ? Refoulement du corps par la psychanalyse ; oralité génitalité écrasées par analité-phallicité ; impérialisme de la pulsion scopique : l’hystérie : oubli et réminiscence du lien matriciel ; masochisme et culpabilité des femmes ; y a-t-il des psychanalystes qui soient des femmes ? Forclusion du corps de la mère par le symbolique ; folles en liberté ?
Femellité et Féminité-Masculinité : Quelle identité pour les femmes ? La femme-objet et la féminité comme travesti ; les narcissismes, primaire et secondaire ; activité-passivité : sujet-objet ; sujet-femme et/ou personne non-assujettie ?
Homosexualités : primaire (relation à la mère) et secondaire (identification au Père et lesbianisme)…
Relation au Père : Viol et hystérie, inceste et psychose, séduction et reconnaissance ; identifications féministes : les « filses » ; la loi du père : bonne ou abusive ; le « Nom du Père » et la légitimité ; pères réels et pères symboliques…
Paroles et Écriture : Refoulement et exploitation de l’oralité et de la génitalité par l’écriture ; on tue une femme pour naître écrivain ? Mutismes-cris et prise de paroles ; être femme et être dans le discours…
Lectures critiques de Freud, Mélanie Klein, Lacan, etc.

C’est une liste non exhaustive, bien sûr, et surtout c’est une liste ouverte…
Il viendra d’autres questions, comme il viendra d’autres femmes, et il nous faudra du temps pour que chacune réponde à chacune, mais nous nous le donnerons, ce temps, maintenant que nous nous sommes retrouvées. À très bientôt,

Antoinette