CRISE DE L’IDENTITÉ MASCULINE : UN BAROUD DE DÉSHONNEUR
Gravidanza. Féminologie II, des femmes-Antoinette Fouque, 2007 (Poche, 2021)
Entretien avec Philippe Petit pour Marianne du 4 au 10 février 2006, à l’occasion de la sortie du livre d’Eric Zemmour, Le premier sexe.
Pour comprendre la crise de l’identité masculine et les effets (pervers ?) de la révolte contre le Père, lire deux livres érudits et passionnants Histoire du premier sexe d’André Rauch et Big Mother de Michel Schneider.
1789 : Monarchie, Royaume, sujet, patriarcat font place à Droits de l’Homme, Nation, citoyen, fraternité. La Révolution fondera sa République sur une « virilité guerrière »… sans les femmes.
1968 : après plusieurs restaurations, révolutions, républiques, (dé)colonisations, deux guerres mondiales, les mâles affichent encore : « Le pouvoir est au bout du fusil, le pouvoir est au bout du phallus ». Dans la foulée et contre Mai, des femmes accèdent à leur « condition historique » et affirment : « Notre corps nous appartient… Les droits des femmes font partie intégrante des droits humains… Citoyennes à part entière, notre démocratie sera laïque et paritaire. »
Zemmour éructe : « trente ans de désordre féministe ». Ton plus insultant que pamphlétaire, affect lourdement classiste, raciste, sexiste (misogynie et homophobie confondues). Où le féminisme a-t-il produit violence sur les personnes, sur les biens, atteintes aux libertés publiques ? Qui aura rêvé de maternalo-centrisme ? Quand, comment, la conquête de nos libertés (de mères, de sœurs, de filles, de professeures) serait responsable de l’injustice sociale, de la ghettoïsation économique, du machisme adolescent dans les banlieues
« Les féministes vomissent les jeunes arabes » et les « jeunes arabes vomissent la France ». Vraiment ? Et si c’était Zemmour qui, par sa peur infantile, son refus de la féminité, sa protestation virile, sa résistance à la déconstruction du phallocentrisme, vomissait les deux ? Contre son horreur d’une « mixité généralisée totalitaire et castratrice », sa vision apocalyptique d’une « disparition programmée des peuples européens » par « une virilité venue du dehors », il a La solution : « virilité dominante, féminité influente… la restauration d’un ordre viril à la française».
Si ce qui vaut pour les sexes vaut pour les nations et les peuples, cette régression sexuelle, pré-régicide, équivaut à une politique ultra réactionnaire, extrémiste. Dangereux ce « premier sexe » – là. Mais ce n’est peut-être qu’un baroud de déshonneur, un cri pathétique, un fragile barrage à l’élection, envisageable, d’une femme à la présidence d’une République, démocratique, participative et paritaire.
« Big Father » plutôt que « Good Sister » ? Non. Avec une France à la fois championne des naissances et de l’activité professionnelle des femmes, en Europe, « un autre monde, un autre équilibre sexuel, sont possibles ».