MACHISME ET PAPISME
Géni(t)alité. Féminologie IV, des femmes-Antoinette Fouque, 2023
À l’occasion de la visite hautement médiatisée du pape Jean-Paul II en France, texte communiqué par le Mouvement de libération des femmes à toute la presse écrite et parlée. Publié dans des femmes en mouvements hebdo n°31 du 6 au 13 juin 1980.
Après une campagne guerrière en Amérique latine et en Afrique pour la défense de l’Occident blanc, le pape est venu à Paris en missionnaire de l’Ordre Moral Patriarcal, prêchant le refoulement des femmes par la famille et le culte de la Maternité.
Comme un pouvoir défaillant ou un régime en crise fait appel à une police impérialiste, le patriarcat, atteint dans ses assises symboliques par les mouvements de libération des femmes, fait appel pour se regonfler au papisme.
Pendant quatre jours, occupation de la ville par l’armée, la police, les tireurs d’élite, les milices d’extrême-droite et le service d’ordre officiel organisé par les structures d’embrigadement de la jeunesse. La collaboration du maire de Paris s’est affichée sur les emplacements municipaux. Toute voix qui ne célébrait pas la Sainte-Alliance de l’Église et de l’État a été officiellement interdite d’expression, de manifestation.
Invasion télévisée dans les maisons. Une seule chaîne, celle du Saint-Office, a impérialisé tous les programmes.
En gros plan exorbitant, le pape a fait la une de tous les journaux.
La presse, de gauche à droite, du respect filial à l’enthousiasme délirant, a cautionné l’opération.
Face à cette propagande de l’idéalisme religieux au secours de la Réaction pour recouvrir toutes les contradictions de classes, de races, de sexes ; et déclarer la guerre aux luttes de libération, les partis dits de l’opposition ont coopéré activement ou se sont contentés d’une molle réserve.
Il fallait donc pour que le gouvernement, et tous les partis à sa suite, ouvrent leur campagne présidentielle sous pareil patronage, que tous y trouvent le meilleur compte patriarcal.
Ce retour anachronique au pape est une opération politique et symbolique. C’est un des plus grands bombardements idéologiques dirigés contre la révolution des femmes. Abusant de son pouvoir religieux, le pape intervient directement dans le champ politique. Ses positions contre l’avortement, le divorce et l’homosexualité s’apparentent à celles de l’extrême-droite déclarée.
Avec lui, il entraîne les chrétiens dans la plus grande réaction.
D’Orient en Occident, les mouvements de libération des femmes ont fait trembler l’édifice monothéiste et patriarcal : ce bétonnage n’empêchera pas son renversement.