Pensée charnelle

février 2008 |

Patricia Rossi

in Penser avec Antoinette Fouque, des femmes-Antoinette Fouque 2008

                                                           

Il y a eu la première passeuse, ma mère, passeuse de vie.
Il y a eu Antoinette Fouque, passeuse dans mon histoire subjective de femme psychanalyste.
Je les en remercie toutes  deux.

 

 A l’origine, le politique

1992, je suis depuis trois ans en analyse, avec une dynamique déjà bien engagée produisant ses effets, me conduisant même au militantisme avec des femmes ! L’Alliance des Femmes pour la Démocratie encore jeune présente des listes aux élections régionales et je suis conviée par des amies qui se sont lancées dans la campagne en PACA,  à des réunions publiques et aux tournées d’affichage et tractages. Je découvre alors une sensibilité qui tient à l’expérience des groupes femmes au sein du MLF.  Ça parle et ça me parle. Une demi-génération ou plus me sépare de la plupart des femmes présentes ; en 1968, j’étais encore à l’école primaire. Leurs réponses me font alors prendre conscience de mon ignorance. Si la question des femmes me concerne ainsi que leur histoire, je n’ai pas encore perçu les différents courants qui ont animé les luttes, passions et scissions et que des distinctions sont à faire. Les échanges lors de ces réunions m’amènent à constater que je ne me reconnais pas dans la tendance « universaliste » qui prône avant tout un féminisme égalitariste entre les sexes et que ce qui fonde le « différentialisme » correspond plus à mon questionnement. Je découvre alors la perspective du groupe « Psychanalyse et politique » rattaché aux Mouvement des femmes. L’article intitulé La république des fils qu’Antoinette Fouque vient de publier, m’aide à saisir les nuances :

La différence sans l’égalité est un archaïsme réactionnaire, l’égalité sans le travail de la différence est une illusion stérile. Si, dans les années soixante-dix, les idéologies et leurs « ismes » ont refoulé la pensée analytique, et si, dans les années quatre-vingt, le droit a inhibé le politique, dès aujourd’hui, dès demain, accompagnant une pensée et une action psychanalytiques et politiques, les idéologies pourraient figurer les vertus de l’imaginaire créatif, et le droit pourrait être le plus sûr auxiliaire du long terme politique, du temps fécond.[1]

J’y vois plus clair et j’ai hâte d’écouter la conférence qu’Antoinette Fouque va donner à Aix-en-Provence. Je ne sais pas encore combien cette soirée va être déterminante. Une décapante levée de censure s’opérera à l’écoute de cette langue non pratiquée, mais qui ne m’était pas étrangère. Le symbolique à l’œuvre produisait un effet d’insight irréversible ponctuant un temps de subjectivation. Cette langue pro-pulsante, charnelle, déployait avec évidence le deux de la différence des sexes, mais aussi le deux de la différence générationnelle. Elle donnait corps entre mêmeté et différence au lien mère-fille, à cette pensée préverbale qui nous humanise et nous sexualise. Se réanimait ce temps précieux d’une civilisation nommée par Freud minoé-mycénienne[2] contenant le trésor de signifiants après lequel nous fait courir le désir d’analyse. Je découvrais un nouveau paradigme pour aborder la question du phallocentrisme conjuguant pensée et action, psychanalyse et politique, privé-public, intime-social. Le sens de l’altérité en différence dans mon identité de femme se renouvelait, se révolutionnait. La place des femmes dans le langage se redéfinissait.

L’engagement à l’Alliance des Femmes pour la Démocratie me permettait d’être au plus proche des effets vécus quand mobilisation concrète et pensée active gagne le champ du politique. Je travaillais à cette époque sur des dispositifs d’insertion et notamment avec des femmes en grande précarité et je peux dire que je puisais l’énergie mise à l’accompagnement dans les réunions de travail avec Janine, Régine, Marie-No, Maryvonne, Gaby et Simone, mes aînées, femmes d’abord du MLF et en ces temps nouveaux de l’Alliance des Femmes. Nous lisions, analysions et débattions des ouvrages traversant en diversité le champ de la pensée. J’apprenais le pouvoir de la pensée critique et comment ce paradigme étayé sur la production de vivant symbolisable permettait de penser la personnalité démocratique en devenir [3]. Mais aussi et surtout, j’apprenais à lire les rubriques de la presse afin de débusquer la misogynie et à réagir en conséquence individuellement et collectivement, soit tout le contraire de la passivité tant claironnée, même quand elle est dite « active ». Je découvrais la fonction des Érinyes et de L’Observatoire de la misogynie. Durant quatre années environ, des rencontres régulières très fécondes et en partage ont eu lieu, se formalisant par la participation au séminaire d’Antoinette Fouque à l’Institut de féminologie qu’elle avait créé[4].

Je poursuivais mon analyse, questionnant non sans malaise auprès de la femme qu’était ma psychanalyste, comment cette féminologie venait bousculer la théorie psychanalytique. Je peux lui dire toute ma reconnaissance pour n’avoir été ni hostile, ni dogmatique face aux avancées que je proposais, me laissant cheminer avec les difficultés et conflits inhérents à tout travail analytique et d’autant plus quand il devient didactique.

 

Une condition sexuée

Dix ans auparavant à l’université, la rencontre avec Fanny Flament proche du CEFUP[5] m’avait amenée à visiter ce nouveau champ épistémologique qui était celui des études féminines. Le jour où j’avais tapé à sa porte lui demandant si elle voulait bien m’accompagner pour la maîtrise de psychologie, elle était restée interloquée. J’étais jeune, déjà maman avec un accent disant mes origines populaires et le sujet que je lui soumettais n’était pas neutre. Les relations précoces mère-enfant étaient mon objet d’étude avec en fond le contexte culturel et social des femmes immigrées dans les quartiers Nord de Marseille[6]. Se conjuguaient un désir de jeune femme concernée par la maternité qu’elle était en train de vivre et une demande de transmission de savoir savant.

Ma bibliographie s’étoffant, grâce à une amie, j’avais lu La chrysalide, chroniques algériennes[7] d’Aïcha Lemsine. Avec ce livre inaugural sur la condition des femmes en culture patriarcale, je découvrais comment certaines s’étaient mises en mouvement, engagées pour leur libération, alertant et maintenant une vigilance, prenant la parole. Se révoltant et se manifestant, elles avaient trouvé les moyens pour donner une visibilité à leur action révolutionnaire, jusqu’à créer une maison d’édition[8] où le livre était publié. Je ne mesurais pas encore combien, pour une large part, la transformation des rapports sociaux dans notre pays après 68 était l’œuvre de femmes. Elles avaient contribué à une évolution des mentalités qui faisait vaciller le dogme symbolique et entraînait des changements sociétaux conséquents. Les droits sexués qui, depuis, ont transformé les représentations du monde dans lequel nous vivons n’ont pas été acquis sans tourmente misogyne, ni violence réactionnaire de tout poil : morales, religieuses, sociales et politiques. Cette violence symbolique perdure. Prenons l’exemple de la monoparentalité[9] sur laquelle j’ai travaillé. La fréquence de celle-ci après séparation conjugale s’est accrue ces dernières décennies. Elle atteste de la capacité des femmes à se positionner en chef de famille grâce à leur indépendance économique et aux droits civiques et sociaux. Or le terme monoparentalité[10] ne figure pas dans tous les dictionnaires.

Si Le Petit Larousse l’a désormais adopté, pour le Nouveau Petit Robert 2008, il n’existe toujours pas dans la langue française et séjourne, semble-t-il, encore « au purgatoire  des néologismes »[11] alors que l’adjectif monoparental est entré dans ses pages en 1975. Ce détour lexicographique atteste combien l’exercice de la parentalité par une femme sans conjoint peine à être légitimé et résiste à entrer dans la culture alors que toute composition, décomposition ou recomposition d’un couple parental hétéro- ou homosexué est validée. Il témoigne d’une idéologie qui traîne les marques d’une difficile acceptabilité sociale et de la forclusion du symbolique qui persiste quant à un changement fondamental de civilisation avec les femmes chefs de famille.

N’est-ce pas là encore les effets du phallogocentrisme ? Ce concept derridien qu’Antoinette Fouque utilise, « fait apparaître la complicité absolue du Phallus et du Logos dans le système conceptuel occidental »[12]. N’a-t-on pas à y voir le signe de la difficile reconnaissance de l’autonomie acquise par les femmes que pourtant de nombreux hommes ont désormais intégrée ? Pour le Nouveau Petit Robert, l’adjectif qualificatif  monoparental s’en tient à une définition suggestive et restrictive : « [13] il y a un seul parent, le plus souvent la mère[14]. Famille monoparentale ». Pratique parentale qui ramène bien à l’origine, au corps de la femme, à son sexe, à la matrice utérine, à son pouvoir sexué, à un lieu personnifié et sexué. Craint-on d’inciter des potentielles « voleuses de sperme » rejetant les hommes en donnant un nom à une réalité sociale ? Ces situations dont nous ne nions pas l’existence, ne doivent pas faire perdre de vue qu’une grossesse dite « non désirée » par un homme est avant tout le produit d’un rapport sexuel pour lequel la responsabilité d’une protection contraceptive a été laissée à la femme. La différence des sexes est en jeu, hommes et femmes ne sont pas égaux face au réel du génésique : si la conception d’un enfant se fait à deux, la gestation est le pouvoir des femmes. Accepter cette asymétrie irréductible des positions inhérentes au deux de la différence des sexes reste donc un enjeu fondamental qu’analyse Antoinette Fouque grâce   au concept de vexation génésique, véritable trouvaille épistémologique. Après les trois vexations repérées par Freud, elle en dégage une quatrième :

« Il (Freud) repère dans l’histoire humaine trois types de ‘vexations’, de blessures narcissiques qui avaient rencontré une résistance d’ordre non pas intellectuel, mais ‘affectif’ : la vexation cosmologique avec Copernic, la vexation biologique avec Darwin et la vexation psychologique avec sa découverte de l’inconscient[15]. En levant la censure sur le corps des femmes, les mouvements de libération des femmes ont déclenché, le plus souvent à leur insu, une résistance encore plus grande, une quatrième vexation, la vexation génésique ».

Cette quatrième vexation engendre une véritable révolution de l’ordre symbolique. Tant que le patriarcat conditionnait les hommes à opérer leur domination notamment sur la reproduction, cette vexation génésique n’avait pas lieu d’être. Le bouclier du phallocentrisme servait à s’en protéger comme celui de Persée face à la tête de Méduse.

Le fameux slogan « Notre corps nous appartient » exprime clairement ce qui se nomme pour signifier la libre disposition par les femmes de leur corps procréatif, à ne confondre, ni réduire à une simple libération sexuelle, ni à un devenir parthénogénétique de la maternité. Les revendications des femmes ont porté sur un véritable droit à la procréation choisie, pour une sexualité non plus assujettie au matrimonial et une maternité qu’elles n’ont plus voulue esclave. On peut dire que cette révolution a été non seulement sociétale, mais aussi anthropologique puisqu’elle a produit des effets sur les systèmes de parenté dont vient témoigner l’exercice de la monoparentalité aujourd’hui.

 

La génésique en différence

Le fait qu’un homme ne puisse pas faire l’expérience des états de corps et états psychiques d’une femme gestante, parturiante et allaitante n’est pas sans conséquences autant sur le plan imaginaire que symbolique. Il est certain que de la confusion s’entretient quand on réprime ce pouvoir-potentialité pro-créatif des femmes et que l’on cultive un pouvoir-puissance qui s’apparente plus à de la jouissance anale. Il suffit de rappeler les mythes d’origines de la création et toutes les théogonies. Énoncer « la fin du dogme paternel » ou dénoncer  « l’empire du ventre »  ne peuvent être opérants, car le réel irréductible de la différence des sexes qui rend impossible l’interchangeabilité entre père et mère, passe à la trappe pour les théoriciens du genre [16]. Les prôneurs de l’ectogénèse instaurent un nouveau pouvoir entre les sexes en voulant retirer à la femme ce pouvoir matriciel afin d’établir un principe d’égalité entre hommes et femmes, ramenant de fait à un nouveau monisme. Nous assistons alors à des dérives tendant à l’indifférenciation des sexes par déni du pouvoir procréatif des femmes[17]. La dynamique psychique du couple autour de la grossesse vient alors dans certains cas révéler ce point d’achoppement chez un homme qu’est l’envie d’utérus.

Ni les formulations freudiennes considérant l’enfantement comme un fardeau, ni celles lacaniennes mettant la procréation hors symbolique, allant jusqu’à poser une forclusion sur « le corps de la mère »[18]comme l’a relevé Antoinette Fouque[19] ne peuvent être d’un grand secours.

Lacan comme Freud, nous dit Patrick Guyomard, mais pas à partir des mêmes positions, ni sans doute la même clinique, assigne à la psychanalyse la fonction de dé-naturer et donc de dé-maternaliser. La psychanalyse va à l’encontre du maternel.[20]

On réalise alors que de grands hommes sont, eux-mêmes, devant un ventre gestant, soit un utérus en  production de vivant-parlant  comme sous l’effet apotropaïque d’une tête de Méduse. Ceci ne remet pas en cause leur théorie dans leurs fondements, mais confirme que pour considérer cette fonction matricielle au lieu de s’en détourner et la dénier, il s’agit de reconnaître et de dépasser cette vexation génésique. Ainsi, nous devons reconnaître qu’en refusant cette symbolisation de l’utérus, la psychanalyse prive aussi les femmes d’un au-delà de la phase phallique, les fixant dans l’hystérie, perpétuelles filles du père, assujetties à du patriarcat. En conséquence, elle prive aussi la dynamique de la cure psychanalytique d’une fécondité spécifique en ne reconnaissant pas au « corps de la mère », la fonction symbolique qu’il opère. Lacan d’ailleurs ne s’en saisira pas plus et n’accordera pas de légitimité à la métaphorisation de la fonction matricielle. Cette avancée théorique féminologique qui me sert de référence n’est pas, contrairement à ce qui peut en être dit, « naturalisante » :

Ce n’est pas du corps qu’il s’agit, ce n’est pas d’utérus en tant qu’organe biologique ; c’est un rapport à un corps, à une terre, à un lieu de naissance, à une trace inscrite, le rapport de la fille, voire du fils, au corps de la mère[21].

En 2004, dans la préface de Il y a deux sexes réédité[22], on a pu lire combien il s’agit de compter avec le 2 de la différence des sexes, et le génie des femmes pour dépasser cette phase phallique. Ceci ne nous conduit-il pas là où le génie des femmes réside, à l’orée du mouvement créateur ? Génie des femmes, libido creandi[23], d’abord nommé libido 2, puis, libido utérine. La libido creandi, telle que la définit Antoinette Fouque, conjugue la génialité et génitalité, le créer et le procréer, la géni(t)alité. J’aime les parenthèses qui entourent cette lettre «  t », lettre qui se tait ou lettre sonore qui fait résonner le cœur de la fonction matricielle.

Ce que j’ai appelé géni(t)alité échappe à l’obscurantisme, au « miracle » de la procréation, au « mystère » du continent noir. Hors idéologie, non sans imaginaire, s’invente un champ épistémologique nouveau, un lieu d’investigation du génie des femmes où s’articulent l’obstétrique des Lumières, l’inconscient freudien et la création génésique et psychique de la grossesse. La féminologie pour éclairer le féminisme, comme la sociologie pour éclairer le socialisme.

Ces quinze dernières années, j’ai sillonné un champ d’étude découvrant celles et ceux qui intègrent cette dimension de vexation génésique sans pour autant la nommer et ceux qui en ont « horreur ». Car cette conception provoque des réactions négatives depuis quarante ans, réactions de haine matricide chez ceux et celles, fils et filses – égalitaristes, libertins-libertaires, queers – qui s’en tiennent à une position en deçà de la génitalité. Ils ne peuvent abandonner la jouissance que procurent les théories sexuelles infantiles et perpétuent ainsi leurs attaques contre le ventre des mères et leur pouvoir, plutôt que reconnaître cette création génésique et psychique de la grossesse comme paradigme éthique, paradigme du don. « On peut toujours assassiner la mère, dit Trilling[24], on en n’a pas pour autant effacé la maternité ».

 

Psychanalyse et féminologie

La lecture d’ouvrages de Luce Irigaray dont j’ignorais alors les rapports qu’elle avait eus avec Antoinette Fouque et sa critique lumineuse du phallocentrisme dans l’œuvre  freudienne[25] m’avait conduite aux abords du soit-disant continent noir, elle donnait à l’homosexuation et au corps à corps avec la mère, une fonction symboligène. Les débats entre Freud et Jones sur la question de la libido féminine centripète ou centrifuge et la connaissance précoce par la petite fille de son vagin avaient été éclairés par la finesse d’approche de Michèle Montrelay[26]. A l’université j’avais été sensible au courant psychanalytique hongrois en filiation avec Sandor Férenczi. Dans son sillage Mélanie Klein avait théorisé sur la fantasmatique archaïque liée au corps de la mère ; Wilfred Bion[27] avait fondé sur la fonction maternelle, qu’il nomme a, son appareil à penser les pensées ; et Winnicott accordait une place centrale à ce qu’il nomme la préoccupation maternelle primaire. J’ai trouvé récemment dans un livre de Luisa Murano, philosophe du langage  italienne, qui a pour titre L’ordre symbolique de la mère[28], cette citation de Winnicott : « Le monde est créé à neuf par chaque être humain qui se met à la tache dès qu’il naît, dès sa première tétée théorique ». Luisa Murano signale que tétée théorique se réfère à l’édition italienne. Je n’ai pas lu la version française de ce texte de Winnicott, mais manifestement selon elle, c’est autre chose qui est évoqué. La traduction questionne toujours par ce qui en est censuré en transcription. Première tétée théorique qui tombe sous le coup du refoulement originaire dont les traces et vestiges viennent parler de cet inceste primordial, là où l’impulsion du mouvement subjectif a été trouvée. Or dans le même temps, l’impuissance primaire de l’enfant à s’aider lui-même, ce que Freud appelle l’Hiflosigkeit [29], est éprouvée comme blessure narcissique fondamentale. Selon la thèse de J. Chasseguet-Smirgel[30], cette blessure narcissique ferait le lit de la misogynie. La plus terrible misogynie  n’est pas exercée par des hommes, mais par des enfants filles et garçons devenus adultes qui ne peuvent accepter la dépendance à leur mère liée à la prématuration humaine.

Avec Antoinette Fouque, la gestation en tant qu’expérience de chair sensorielle et pensante, enracinée dans le réel des deux sexes devenait princeps pour sortir de l’impasse où nommer la mère jusqu’à s’en séparer, taît jusqu’à la forclusion cet accueil utérin primordial. Dé-saturant l’écran que constitue la charge fantasmatique de la scène primitive afin de pouvoir penser l’origine et génitalisant la rencontre homme-femme fondée sur une érotique de la chair, la production du vivant s’envisage comme éthique :

L’expérience symbolisable, virtuelle ou réelle de la grossesse s’éprouve en chaque femme comme travail intime du soi et du non-soi. Elle est le modèle de toute greffe réussie, d’un « penser à l’autre », d’un « entre-nous » hétérogène, d’une tolérance à la jouissance de l’autre, d’une hospitalité à un corps étranger, d’un don sans dette, d’un amour du prochain, d’une promesse à tenir, d’une expérience charnelle que désavoue tout narcissisme absolu, tout un-dividualisme totalitaire, tout racisme. Ces capacités spécifiques peuvent se transmettre, se partager dans la cocréation homme-femme qu’est la procréation humaine.[31]

La clinique des femmes enceintes m’a donné à réfléchir sur l’étayage psychique que nous pouvons apporter quand procréation, gestation et maternel ne vont pas de soi et peuvent être source de grandes menaces pour une femme ou pour un homme. La gestation justement par l’expérience subjective qu’elle occasionne, peut provoquer des troubles jusqu’à la pathologie réveillant la part obscure et non symbolisée, autant chez un homme que chez une femme dans leur devenir de père et de mère. Nous connaissons les troubles dits puerpérals chez une femme qui peuvent aller du repli narcissique à la décompensation psychotique. En principe le médical prend le relais quand l’entourage s’affole, mais comme nous le constatons encore trop souvent, même si la surveillance de la grossesse et la prévention visent la mère et l’enfant, la dimension psychique passe le plus souvent à la trappe. Ceci peut entraver l’hospitalité potentielle de ce premier environnement qu’est le corps d’une femme. Il n’existe pas de maternité sans trouble. Le trouble est le travail-même du symbolique et de ses failles. Cet utérus qui parle dans un bord à bord avec le fœtus  parle d’elle, parle pour elle, parle avec elle. Animé par la gestation, il mobilise des motions inconscientes et pulsionnelles qui peuvent susciter angoisse, malaise et terreur chez une femme. Et la vulnérabilité psychique de la femme peut être grande. L’hospitalité peut alors se renverser en hostilité envers sa propre fonction matricielle.

Pour ce qui est des troubles apparaissant chez un homme, ils sont encore bien moins identifiés, car il n’y a pour eux aucun suivi pendant la grossesse. Ces troubles masculins ont toujours existé. Par exemple, on reconnaît une corrélation très forte entre violences conjugales et grossesses. Des perturbations diverses ne se présentent pas toujours sous des formes très criantes. Elles n’en sont pas pour autant moins préoccupantes. Que les hommes soient de nos jours plus près des femmes pendant la grossesse, souhaitent y être et soient sollicités par elles, les engagent autrement et les perturbent autrement. D’ailleurs je ne suis pas sûre que le terme puerpéral convienne pour eux, car il semblerait que ce soit l’état de corps de la femme gestant, parturiant, allaitant qui vient menacer leur équilibre psychique et fragiliser le lien conjugal.

Les sages-femmes par leur champ d’intervention sont les professionnelles concernées pour repérer les signes de souffrance et opérer une prévention puisqu’elles ont pour mission, de la conception aux premiers liens, le suivi du corps de la femme en transformation et remanié, gestant, parturiant et allaitant. Accompagner leur pratique fait partie de mes investissements actuels.

 

Un destin à déjouer

Alors ce phallocentrisme en psychanalyse comme tout sujet-femme analysante, j’ai eu à m’y confronter, à le questionner, à le revisiter à des temps différents du transfert. Que la différence, côté femme, se dise comme manque et castration vient nécessairement mutiler la pensée. N’est-ce pas une forme de mutilation sexuelle ? Que les femmes doivent en passer par le changement d’objet, l’hostilité envers la mère, l’androgynie, l’envie du pénis, etc., sans destin autre que celui de la censure et de la forclusion de ce réel du corps matriciel ne peut que compromettre les processus identificatoires et conduire à la mascarade de la féminité[32]. Comment penser le 2 entre mère et fille ? Quel sevrage possible ? La femme, errante en continent noir[33], vit alors une précarité psychique qui la met en défaillance jusqu’en déficience dans son rapport au monde. La conséquence du monisme phallique entrave l’appréhension du même coup de ce que pourrait être toute transmission entre mère et fille, autre que le ravage[34].

En suivant Freud, j’aurais pu me contenter d’un destin respectable de femme envieuse de pénis apaisée par l’enfant que j’avais eu et les quelques contentements de la vie sociale pour aller vers ce qu’il appelle la « féminité normale ». Plus moderne, en suivant Lacan, j’aurais pu me contenter d’accéder à l’autre jouissance, celle des mystiques, supplémentaire, féminine, par laquelle on gagne une nouvelle place dans les formules de la sexuation[35], sainte Thérèse d’Avila m’était d’ailleurs fort sympathique. Mais, il me semblait qu’il était possible d’aller plus loin, au-delà de cette butée du roc de la castration avec Freud, sans se contenter de vivre seulement d’amour et de signifiants avec Lacan. J’ai dû encore voisiner avec la Chose[36], l’objet perdu, la douleur de la perte pour plonger vers l’homosexualité native dont parle Antoinette Fouque. Ceci n’a pas été sans risque, la conduite de la cure par l’analyste a compté ainsi que la temporalité psychique. Car il y faut beaucoup de temps. J’aurais pu me laisser ravir par le vide et les mots-trous durassiens[37] ou encore me délecter, version Judith Butler[38], du lyrisme de la lesbienne, endeuillée permanente de la mère. Car, me semble-t-il, comme bon nombre de femmes, j’étais plus concernée par cet état proche de la mélancolie[39] que par celui de l’hystérie. Dans son très beau Dialogue avec  Isabelle Huppert en 1993, Antoinette Fouque[40] expose les différents destins possibles pour une femme : mutique, hystérique ou artiste-écrivain. Combien sont-elles celles qui, « mutiques », en restent à une « homosexualité primaire » et, ceci ne signifiant pas pour autant que leur choix d’objet amoureux soit une femme ? Combien sont-elles celles qui « habitées par le discours du maître » demeurent « hystériques » et coincées dans le désir de l’autre ? Et combien sont-elles, celles qui « artistes-écrivains ne voulant pas être simplement actrices et traversées comme des porte- voix, par le texte de l’autre, endolories, sombrent dans la folie » ?

La mélancolie est l’état d’où s’originent le génie et la création, les femmes comme les hommes sont concernées par elle, mais lors de l’exposition récente de 2005 au Grand Palais « Mélancolie, Génie et Folie en Occident », on n’y a pas vu beaucoup de femmes taraudées par le génie créateur, par contre, elles y étaient surreprésentées allégoriquement, car comme nous le rappelle Julia Sissa notamment chez les philosophes grecs :

L’âme est un corps de femme, l’âme conçoit, elle est grosse de connaissances, elle accouche dans la douleur et la détresse mais toujours avec l’aide de quelqu’un [41].

Le titre du dernier livre d’Antoinette Fouque qui vient de sortir en librairie indique le ton de ce processus métaphorique : Gravidanza[42]. A savoir, grossesse en italien. Ecoutons chanter cette langue et les effets de son modulé ondulatoire pour imager ce processus à la fois psychique et corporel. Je vous renvoie au chapitre intitulé « Gravida » qui reprend un entretien réalisé en 1980 avec Jean Larose pour les deux premiers numéros de la revue éponyme canadienne qui démarrera en 1983. Vingt-sept ans se sont écoulés, la problématique n’a pas changé.

Mais qu’est-ce qu’un homme poète ? Qu’est-ce qu’un homme qui travaille avec son corps ? Quelle est la production d’un corps d’homme, c’est à dire d’un corps doué de langage ? ce qu’on rencontre chez Rilke, chez Lautréamont, chez tout poète, c’est un postulat théorique qui fait que tout homme est en rapport avec de l’utérin, de la production de vivant, symbolisable évidemment[43], dont le modèle, dans le réel, est de faire un enfant … Processus de maturation génitale, c’est à dire faisant accéder à une humanité poétique … La production du vivant est toujours tripartite, phallus, utérus et le produit, la production. Au niveau du réel, c’est un homme et une femme qui font un enfant. Mais ailleurs ? Ce serait une société créative, génitalisée. C’est de l’utopie, et ce n’est pas de l’utopie ; c’est du projet, du projet politique.

Traversant le temps[44] , la célèbre gravure d’Albrecht Dürer, Melencolia I, reconnue comme allégorie humaniste[45],  nous y convie : dans sa solitude nocturne, une figure féminine ailée, assise et accoudée, pose sa tête sur son poing fermé. Elle est plongée dans ses pensées avec autour d’elle une multitude d’objets et instruments évoquant l’appréhension et la mesure du monde par la philosophie, l’art, les mathématiques, la médecine, l’astronomie et les sciences, tout ce à quoi les femmes ont été majoritairement interdites très longtemps. Explorer l’inconnu, entrer au cœur de la fiction et du monde des idées, accepter la notion d’infini et d’une troisième dimension qui tracent des perspectives ouvrant le champ possible d’un projet en profondeur, n’est-ce pas l’expérience même de leur être matriciel ? Chez elle, l’imaginaire et le fantasme sont alors premiers, permettant le maniement de la pensée abstraite. Ainsi se pose pour elles le rapport au monde, à l’espace-temps. Ceci dit combien ce caché du corps qui pousse à la connaissance curieuse et questionnante[46] est venu inquiéter jusqu’à l’inquisition.

 

Gravidanza, dit-elle

Le lavis de Colette Deblé en couverture de Gravidanza s’inspire de la Madonna del parto et nous invite à la lecture. C’est avec l’iconographie de Marie gestante que nous allons avancer. Il m’est arrivé au fil de mes investigations de rencontrer cette célèbre et insolite fresque de Piero della Francesca et de rechercher la motivation de ce peintre.  Humaniste toscan, il déploie son art entre Moyen Age et Renaissance, quelques soixante ans plus tôt que Dürer, aux confins de la Toscane et de l’Ombrie, loin de la riche Florence et dans l’arrière-pays. Traduisons Madonna del parto : Vierge de l’enfantement, nommée plus précisément, Vierge parturiente ou métaphoriquement, Vierge de l’espérance. Plus ordinaire qu’« ordinée »  si je puis me permettre ce néologisme, tellement proche de la condition humaine. Elle est d’autant plus remarquable qu’elle doit sa survivance à la foi populaire des fidèles et notamment des femmes qui ont su protéger leur icône en de multiples situations menaçantes au cours des siècles[47]. Il en a été de même pour les quelques autres vierges enceintes recensées. Si l’on trouve à foison des représentations d’Annonciation, de Fuite en Egypte, de Vierge à l’enfant, de Pietà, de la Nativité de Marie, de son Couronnement…  la mère de Dieu gestante, est bien plus rare. Et pour cause. Marie gestante est une thématique apparue au XIIIème[48], plutôt répandue en Espagne, beaucoup moins en France et en Italie. Loin de se généraliser, cette iconographie mariale a même disparu, et nombre d’œuvres existantes ont été recouvertes, reprises ou détruites[49]. Le Concile de Trente (1545-1553) radicalisera la condamnation de ces représentations[50].

L’univers pictural de Piero della Francesca est bien ancré dans son temps. Ses peintures sont habitées par des personnages aux regards figés, telles des poupées saisies par l’instant d’une posture. L’inanimé est au rendez-vous, sans ou très peu d’ombre. Piero nous habitue à l’expérience d’un temps suspendu en pleine clarté, pris par l’horizon d’une réflexion quasi spéculaire, à rapprocher des peintures pompéiennes et romaines qu’a remarquées par Pascal Quignard[51], placées sous l’effet du fascinus. L’Imaginaire nous paraît se verrouiller au  Réel et poser la question du rapport entre le divin et l’humain, la vie et la mort, le Temps et l’Etre.

Or, avec la Madonna del parto, le peintre nous convoque sur une toute autre scène en attribuant à la Vierge un regard bien différent, si particulier, qu’il réserve à ses Madones, Madeleine ou Reine de Saba. Regard incliné, tourné vers l’intérieur, propre à la pensée, à l’intime de l’être présent au monde. Regard qui s’accompagne d’une gestuelle bien loin de toute transfiguration de l’Incarnation de Dieu et de son mystère. Il nous convie d’abord à la figuration d’une pensée charnelle sexuée dont il sait rendre l’essence. Tout est effet de perspectives. Le Symbolique vient alors faire lien avec l’Imaginaire et le Réel. Piero, peintre et mathématicien, théoricien génial de la perspective invite deux anges en parfaite symétrie de formes à tenir largement ouverts les pans d’un dais. Ils adressent aux spectateurs  par une mise en abîme d’ouvertures, cette madone à la belle fente qui de sa main droite aux doigts agiles, tout en détendant un cordon, semble jouer une partition, et pour laquelle la main gauche posée sur son bassin n’est pas en reste pour soutenir une posture de plénitude. Sa robe ouverte sur le côté n’hésite pas à donner l’aisance à l’enfant porté. Partition et posture sexuées articulent mémoire et promesse, différence des sexes et différence de génération. La présence hiératique de cette femme gestante si incarnée, dans sa gravité et la monstration de son ventre bombé tient à la capacité de Piero à rendre compte du réel, à représenter cette question que Freud appelle question-énigme [52], «  la question la plus vieille et la plus brûlante de la jeune humanité : d’où viennent les enfants ? »[53]. Le dedans s’extériorise et pousse à la connaissance en évidence. Mais pas seulement. Jouant sur la racine par, commune à parité et parturiente, Antoinette Fouque écrit :

Le par de parité (partenaire, paire, couple) se retrouve dans « parturiente » (femme en couches). Ainsi Piero della Francesca interprète génialement la modernité du catholicisme : la Madonna del parto, c’est à la fois l’idéalisation prégénitale de l’inceste (Marie enceinte du Père-Dieu) et la sublimation de la procréation (Lui fait don de son fils ; Marie vierge-femme-mère tolère la greffe naturelle, accueille le non-soi comme prochain [54].

Gratitude et mémoire d’un lieu maternel conduisent à l’origine de l’œuvre et de l’existence, les deux questions de Freud en une.  Ces deux questions, « d’où viennent les œuvres ? »[55] et « d’où viennent les enfants ? », ne viennent-elles pas témoigner de la persistance de l’impensé qui réside quant à l’inceste primordial et dire la forclusion de la fonction matricielle ? La Madonna del parto a été peinte vers 1455. Hubert Damisch[56] mentionne : «  A l’exception de Kenneth Clark et surtout d’Ingeborg Walter, la plupart des historiens répugnent curieusement à admettre un lien quelconque entre la fresque de Monterchi et la mère de l’artiste ». Pourtant, cette fresque a bien été retrouvée dans la modeste chapelle du cimetière de Monterchi, petit bourg très rural de Toscane qui a passé commande, là où sa mère a vu le jour et où repose sa sépulture. Il la lui dédiera, vers 1455. Elle sera peinte en huit jours[57], parenthèse temporelle prise au cours de la réalisation du non moins remarquable cycle de d’Arezzo (1452-1459) qui n’est pas sans résonance avec la Madonna del parto.

La gestation, telle la poésie, comme expérience enracinée dans le réel, en ses effets imaginaires et symboliques, est un processus de décentrement du sujet. Là « je est un(e) autre ». Le devenir femme œuvre à la construction de la personnalité démocratique[58].

Nous retrouvons ce décentrement du sujet avec cette autre scène, celle  du Songe de Constantin peinte pour La légende de la vraie croix. Elle rappelle le fameux rêve de l’empereur, dit du Pont Milvius qui vient initialiser un nouveau temps historique et religieux[59]. Nous y retrouvons un homme accoudé qui se tient au pied du lit de Constantin endormi et qui le veille[60] avec deux gardiens au premier plan à la veille d’une bataille. Cette fresque et La Madonna del parto sont en dialogue. Chacun dans sa loge, sous un dais ouvert au regard du spectateur, en gestation de pensée et d’humanité, à l’aube d’un temps nouveau : l’abandon au sommeil visionnaire d’un côté et l’attente gestationnelle de l’autre. L’inconscient à l’œuvre s’illustre par l’onirique et le charnel, le régressif et le propulsif suggérant les pulsions de mort et les pulsions de vie dans  une dynamique paritaire entre grande Histoire et petite histoire. Il-elle se répondent, il-elle forment couple.  Ce Piero dont on ne sait pas grand-chose de sa vie, nous laisse cependant quelques traces de l’homme qu’il a été et de sa vision du monde à travers son œuvre, ancré dans le réel humain et sexué. Ne nous donne-t-il pas le témoignage d’une sublimation réussie de son envie d’utérus ?

 

La langue du transfert

Je pourrais reprendre chaque titre-chapitre des livres d’Antoinette Fouque, tels des chapiteaux qui concentrent une représentation en un espace restreint mais dense, entre colonne et voûte. Sa géni(t)alité* analyse sur le vif le réel des femmes dans notre monde. Le symbolique est toujours à l’œuvre, pour penser en femme d’action et agir en femme de pensée* depuis plus de quarante ans. Ses écrits datés sont pour la plupart d’abord parus dans des revues ou dans la presse, ils prennent la mesure de l’actuel qu’elle saisit et du « malaise dans la civilisation »[61] quand les crimes misogynes sont répertoriés à la rubrique des faits divers et que le sort des femmes à travers le monde met quotidiennement notre humanité en péril. Ils sont aussi des hommages, des chants de mémoire, envers celles et ceux à qui s’adressent gratitude et reconnaissance.

En première partie de ce texte, je remémorais la première rencontre avec Antoinette Fouque et sa langue pro-pulsante que j’avais reçue. En novembre 2006, je répondais à son invitation[62] à prendre la parole, parole qu’elle m’a donnée encore pour écrire comme je le fais aujourd’hui, elle m’a permis de rompre les charmes et produire du penser [63]. Ce dont elle était venue parler en 1992, je le retrouve dans son dernier livre :

« Qu’appelle-t-on penser[64] ?» C’est incarner l’humanité, l’expérience. Je pense que la libido utérine est justement le paradigme de la capacité à recevoir, à donner lieu, à donner temps au corps étranger et à l’autre, qui n’en est pas un. Les femmes ne sont pas les autres de l’Un, et faire un enfant c’est faire un être à venir qui n’est pas non plus l’autre de la mère. C’est un vrai pluriel. Dans la gestation, il y a spontanément du deux. Personne n’est l’autre de l’un ou de l’une, c’est cela l’humain. L’enfant à venir ou l’œuvre à venir est un sujet qui vit sa vie, qui travaille et qui pense, au-delà même de ce que la mère, l’artiste ou le poète avaient pu penser. La création génitale est le lieu de toute création de génie. Lacan disait qu’un être de génie est celui qui met au monde un objet qui n’existait pas avant lui. Le génie des femmes est cette capacité de faire venir au monde cet objet génital unique, comme un objet absolument vivant, pensant, parlant.[65]

Sa posture donne existence au sujet-femme grâce à un paradigme qui permet d’envisager le travail psychique à l’œuvre chez toute femme-mère dans sa tâche d’anthropocultrice. Penser le deux nous dégage de la figure de l’assujettissante dévoratrice qui sommeillerait systématiquement en chacune d’entre elles et permet d’appréhender autrement la clinique du transfert pour considérer dans la vie d’un sujet ce qui a pu être défaillant, traumatique ou du ressort du fantasme.

Je terminerai par l’évocation d’un moment récent, juin 2007, où elle m’a donné l’occasion de composer autour du bas-relief romain, Gradiva[66]. Manifestation de l’inconscient, qui a suscité une série de mises en abîme littéraires, Freud s’y intéressera[67], sensible à l’acuité avec laquelle Jensen met en scène, dans Gradiva, le retour du refoulé. Il y retrouve, en effet, les matériaux propres à la psychanalyse que sont le délire et les rêves, mais pas seulement. Il s’y intéresse d’autant plus que la relation entre les personnages principaux vient rappeler le dispositif psychanalytique avec le phénomène de l’amour de transfert.

Là commence à vrai dire les différences qui font de Gradiva un cas idéal[68], auquel ne peut accéder la technique médicale. Gradiva peut répondre à l’amour qui perce de l’inconscient à la conscience, le médecin ne le peut pas[69].

Freud est resté gêné et aveuglé par son impossibilité à faire, on pourrait dire,  la Gradiva. Là est sa butée. Alors qu’il est l’homme de « l’interprétation des rêves » auprès du  dormeur et surtout de la dormeuse éveillée, l’hystérique, il ne peut aller jusqu’à accepter porter l’autre qui régresse dans le transfert. Sa critique à l’égard de Sandor Ferenczi à ce propos sera rude : il ne supporte pas ce qu’il appelle sa position féminine vis-à-vis de lui et ne peut adhérer à la position maternelle qu’il adopte vis-à-vis de ses patients. Pourtant tout le courant hongrois et anglo-saxon à la suite de Ferenczi, plus à l’aise, on l’a vu, avec la fonction maternelle, axera sa clinique sur cette dynamique transférentielle et contre-transférentielle. On peut citer : Balint, Klein, Winnicott, Bion entre autres et même sur un certain plan Lacan qui y a consacré quelques séminaires. L’intérêt de Freud pour l’espace psychique se place plus sur le registre de l’effraction-expulsion[70], restant fasciné par ce qu’il considère être « l’énigme de la femme »[71]. Ne rencontre-t-il pas avec Norbert sa propre impasse en ne pouvant pas reconnaître aussi justement que J.B. Pontalis[72] celle qui « revit et va donner vie, forme, objet au désir ».

Gradiva, femme en marche, une femme comme tant d’autres en mouvement, en ouverture à ce vers quoi elle va. Charnelle Zoé au cœur de la fantaisie pompéienne de W. Jensen[73]. Elle est la vie, femme de chair qui devient  fantôme effrayant pour Norbert Hanold, le jeune archéologue[74]. Belle occasion pour Freud de vouloir percer le secret de la vérité romanesque de Wilhem Jensen qu’il aurait bien aimé psychanalyser pour une fois, pourrions-nous dire, qu’il a un créateur sous la main. Car, nous l’avons vu plus haut,  « d’où viennent les œuvres ? » est une de ses questions majeures. Belle occasion pour nous de constater la différence de posture entre Freud et Jensen face aux femmes : le premier, Freud, révèle dans ce texte comme dans d’autres, les effets apotropaïques du sexe féminin qui menace certains hommes, les faisant s’en détourner par effroi ou angoisse[75]. Le second, Jensen, manifestement semble avoir dépassé cette menace en créant le personnage de Zoé.

Un parallèle d’ailleurs peut être fait entre le destin de Norbert et celui de Nathanaël, personnage principal de L’homme au sable, conte fantastique d’Hoffmann que Freud analyse pour illustrer la notion d’Unheimlich. Nathanaël se suicide alors que Norbert s’ouvre à l’amour grâce à Zoé. L’inanimé et la pulsion de mort trament le drame de L’homme au sable, le vivant fait pulser le récit de Gradiva et endigue le courant destructeur. Belle occasion encore pour nous d’ajouter quelques perspectives au profil de cette jeune femme qui passe, en laquelle chacune de nous peut reconnaître l’allure de sa sensuelle beauté, sans suivre la lecture freudienne qui nous conduit vers le manque et la castration, mutilant la pensée. Comment ne pas être sensible à l’amplitude du pas équilibré de la jeune fille du bas-relief qui avance en gravité, aérienne et désirante, le visage incliné, donnant à lire l’intériorité qui l’anime. Jensen a su la reconnaître pour attribuer cette qualité de bienveillance amoureuse à Zoé.

Si la cambrure du pied a tant parlé aux fétichistes frappés par l’angoisse de castration, l’étoffe à peine retenue par ses doigts gracieux vient rythmer un mouvement de bassin aux hanches généreuses, autrement suggestif, qui la place en axe entre terre et ciel. Vers l’avant, elle ouvre un monde. Les jeux de plis de son drapé harmonieux, organisés en forme de V, dessinant le triangle pubien, nous font signe quant à l’incarnation de son être sexué et parlent de son allant-devenant.  Iconographie qui depuis la nuit des temps signifie « celle qui célèbre la vie ». Je vous renvoie au magnifique ouvrage d’archéo-mythologie de Marija Gimbutas, Le langage de la déesse[76] pour y découvrir une myriade de symboles de cette écriture picturale au temps de la préhistoire.

Etayante Zoé qui opère une fonction psychique apaisant le délire en se tenant à côté de Norbert. Par elle, il devient un homme amant, en capacité d’aimer l’être d’une femme, en tant qu’être au monde dans sa chair sensorielle et pensante. Zoé le fait naître au désir sexué, le poussant à la rencontre érotique, charnelle et langagière, transformant la folie en création. N’est-ce pas le propre de la clinique transférentielle que de permettre au sujet entravé d’advenir ? Le geste psychanalytique qui prend modèle sur celui des anthropocultrices que sont les femmes, consiste alors à compter avec la langue porteuse du transfert[77].

 

Février 2008

 

 

[1]  Antoinette Fouque, « La république des fils – 8 mai 1991 – » est paru dans Passages, n°38, mai 1991, sur la décennie Mitterrand : « Mitterrand et les inégalités ». Puis dans Il y a 2 sexes. Gallimard, 1995 et 2004, édition revue et corrigée.

[2] Sigmund Freud, « La féminité », in, Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse (1931), Paris, Gallimard, 1984.

[3] Antoinette Fouque, « Tant qu’il y aura des femmes – 22 mars 1998 – »,  p. 277, in Il y a 2 sexes. Gallimard, 1995 et 2004, édition revue et corrigée.

[4] Se sont tenues aussi pendant plusieurs années des séminaires à l’université Paris VIII, ainsi que des conférences auxquelles étaient conviés des grands noms de la pensée.

[5] Centre d’études féminines de l’université de Provence.

[6]  Quartiers populaires et ouvriers de la ville où l’urbanisme social s’est développé dès les années 1960.

[7] Aïcha Lemsine, La chrysalide, chroniques algériennes, Paris, Des femmes, 1976.

[8] La maison d’édition Des femmes, née du MLFest créée en 1974 par Antoinette Fouque.

[9] Gérard Neyrand, Patricia Rossi, Monoparentalité précaire et femme sujet, Toulouse, éd. Erès, 2004. Réédition avec avant-propos, 2007.

[10] Alexie Lorca et Marie Gobin, « 100 mots à sauver. Comment sauver les mots », in Lire, Paris, Mars 2004.

[11] Remarquons que coparental et homoparental, apparus respectivement en 1988 et 1997, voisinent aujourd’hui avec coparentalité et homoparentalité. Ce constat est d’autant plus surprenant que la coparentalité est une résultante de la monoparentalité et que l’homoparentalité peut en être consécutive.

[12] Antoinette Fouque, « Gravida, – 1980 – », in Gravidanza, féminologie II, p. 61, Des femmes, Paris, 2007.

[13] je souligne.

[14] idem.

[15] Sigmund Freud, L’inquiétante Etrangeté et autres essais, Paris Gallimard, 1986.

[16]  Michel Tort, La fin du dogme paternel, Paris, Aubier, psychanalyse, 2005. Marcela Iacub, L’empire du ventre. Pour une autre histoire de la maternité, Paris, Fayard, 2004.

[17] Henri Atlan, L’utérus artificiel, Librairie du xxe siècle, Seuil, 2005.

[18] Jacques Lacan, Le Séminaire (1955-56), Livre III, Les psychoses, Seuil, Paris, 1975. Cf. préface Il y a deux sexes.

[19] Antoinette Fouque, « Préface 2eme édition », in Il y a deux sexes, Gallimard, Paris, 2004.

[20]  Patrick Guyomard, « L’Une et L’Autre », in L’invention du féminin. Colloque de la S.PF. Ed Campagne Première, 2002.

[21] Antoinette Fouque, « Comment démocratiser la psychanalyse – 24 octobre 1994 –  », in Il y a deux sexes, 1995, Gallimard, Paris, 2004.

[22] Op. cit.

[23] Idem.

[24] Jacques Trilling : James Joyce ou l’écriture matricide, 1973, Circé, 2001.

[25] Luce Irigaray, Speculum, de l’autre femme, Paris, éd. de Minuit, 1974 et Ethique de la différence sexuelle. Paris, éd. de Minuit, 1984.

[26]  Michèle Montrelay,  « Recherche sur la féminité », in, L’ombre et le nom. Paris, éd. De Minuit, 1977.

[27] Wilfred R. Bion, Aux sources de l’expérience (1962), Paris, PUF, 1979.

[28] Luisa Murano est aussi  co-fondatrice de la librairie Delle Donne à Milan. L’ordre symbolique de la mère (1991), Paris, L’Harmattan, 2003. Cette citation est extraite de l’édition italienne de l’ouvrage de Donald W. Winnicott,  Sulla natura umana, éd. Raffaello Cortina, Milano, 1989.

[29] Sigmund Freud, Inhibition, symptôme et angoisse, PUF. p.82.

[30] Janine Chasseguet-Smirgel, Le corps comme miroir du monde, PUF, 2003. La Maladie d’idéalité. Essai psychanalytique sur l’idéal du moi. L’Harmattan, 1999.

[31] Antoinette Fouque, « Comment démocratiser la psychanalyse – 24 octobre 1994 –  », in Il y a deux sexes, 1995, Gallimard, Paris, 2004.

[32] Joan Rivière, « La féminité en tant que mascarade », (1929), in Féminité mascarade, Etudes psychanalytiques réunies par Marie-Christine Hamon, Paris, éd. Du Seuil, Champ Freudien, 1994.

[33] Sigmund Freud, « Dark continent », in La question de l’analyse profane (1926), Paris, Gallimard, 1985.

[34] Jacques Lacan, « L’Etourdit », Scilicet, n°4 Paris, éd. du Seuil, 1973.

[35] Jacques Lacan, Le séminaire, Livre XX, Encore, Paris, éd. du Seuil, 1975.

[36] Jacques Lacan, Le séminaire, Livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris, éd. du Seuil, 1986.

[37] Michèle Montrelay, « Sur le ravissement de Lol V. Stein », in L’ombre et le nom, Paris, éd. de Minuit, 1977.

[38] Judith Butler, La vie psychique du pouvoir (1997), éd. Léo Scheer, 2002.

[39] Anne Juranville, La femme et la mélancolie, Paris, PUF, 1993.

[40] Antoinette Fouque, « Dialogue avec Isabelle Huppert  – 15 Décembre 1993 – », in  Il y a deux sexes, Paris, Gallimard, 1995 et 2004.

[41] Julia Sissa, L’âme est un corps de femme, Paris, éd. Odile Jacob.

[42] Antoinette Fouque, op. cit..

[43] Je souligne.

[44] Raymond Klibansky, Erwin Panofsky et Fritz Saxl, Saturne et la mélancolie (1964), Gallimard, 1989.

[45] Peter-Klaus Schuster, « Melencolia I. Dürer et sa postérité », in Mélancolie, Génie et Folie en Occident, sous la direction de Jean Clair, Gallimard, 2005. 

[46]  Danièle Moatti-Gornet, Qu’est-ce qu’une femme ? Traité d’ontologie, Paris, L’Harmattan, 1999.

[47] Hubert Damisch, Un souvenir d’enfance par Piero della Francesca. La librairie du xxe siècle, éd. du Seuil, 1997.

[48] Michel Pastoureau, La Bible et les saints. Guide iconographique. Flammarion, 1990.

[49] En pays cathare, à Cucugnan, là où l’une d’entre elles réside encore, l’association Le grenier de la mémoire présente en exposition permanente la dizaine de rescapées du puritanisme qui s’est exercé en France. Le Guide du routard « Toscane-Ombrie », mentionne d’une fresque d’Ambrogio Lorenzetti, peintre siennois du XIVème siècle : « A noter, la Vierge en majesté d’Ambroggio Lorenzetti a subi la censure. A l’origine, sa Vierge était enceinte, affectée par une grossesse douloureuse et s’appuyait sur une colonne. Ce n’est pas celle-ci que vous verrez, souffrante, mais celle d’une Vierge digne et… majestueuse ! De la version originale on peut cependant discerner le bras droit qui se place sur le ventre. De même le pli de la robe ne « colle » pas très bien avec l’actuelle étoffe rouille. On dirait que la version originale réapparaît. Le temps aurait-il raison du politically correct ? ». Elle a été retrouvée dans l’abside de la superbe petite chapelle proche de l’abbaye cistercienne de San Galgano, vaisseau fantôme apparaissant dans le film Nostalghia (1983) d’Andreï Tarkovski. Les premiers plans-séquences déroulent d’ailleurs une approche de la Madonna del parto.

[50] M-France Morel, historienne de la petite enfance et de la Société d’histoire de la naissance. « Voir et entendre les fœtus autrefois : deux exemples », in La vie avant la vie, l’anténatal. Spirale n°36 – 2005/4. Elle nous dit : « au nom de la théologie, mais aussi au nom de ce qui est la marque d’une nouvelle sensibilité, il devient dès lors « indécent » de représenter des grossesses et même des naissances ».

[51]  Pascal Quignard, Le sexe et l’effroi, Gallimard, 1994.

[52] Sigmund Freud, « Les théories sexuelles infantiles », in La vie sexuelle, Paris, 1969.

[53] Sigmund Freud, « Les explications sexuelles données aux enfants », in La vie sexuelle, Paris, 1969.

[54] Antoinette Fouque, « Tant qu’il y aura des femmes 22 mars 1998 – »,  p. 278, in Il y a deux sexes. Gallimard (1995 et 2004).

[55] Sarah Kofman, L’enfance de l’art. Payot, Paris, 1970.

[56] Hubert Damisch,  op.cit.

[57] Pietro Allegretti (sous la direction de), Piero della Francesca. Sa vie, son œuvre, son art. Skira, Italie, 2003 ; Flammarion, Paris, 2006.

[58] Antoinette Fouque, « Tant qu’il y aura des femmes 22 mars 1998 – »,  p. 277, in Il y a deux sexes. Gallimard, 1995 et 2004, édition revue et corrigée.

[59] Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien (312-394). Albin Michel, 2007.   Au cours de ce rêve apparaît un ange qui amène à l’empereur romain et païen un chrisme et lui annonce que s’il se présente avec à la bataille du lendemain contre Maxence, il en sortira vainqueur. Il s’exécute et ça se réalise. Ainsi Constantin, reconnaissant les bienfaits du chrisme, se convertit au christianisme et permettra aux deux mondes païen et chrétien de vivre ensemble avec leurs différences.

[60] J.B. Pontalis, Le dormeur éveillé, Mercure de France, 2004 ; Folio, 2006.

[61]  Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Sigmund Freud, traduit aussi par « malaise dans la culture », écrit en 1929.

[62] Colloque international de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, 4 et 5 novembre 2006, Paris. « Femmes de mouvements, hier, aujourd’hui, pour demain -1968-2006 »

[63] Je fais bien sûr allusion-là, à Serge Leclaire, « l’ami en psychanalyse ». Antoinette Fouque, « Hommage à Serge Leclaire, 23 octobre 1994 », in Il y a deux sexes. Op. cit  « Pas de deux , 1977 », in Gravidanza, Féminologie II, op. cit.

[64] En référence au discours de Brême de Paul Celan à l’origine des conférences de Martin Heidegger sur cette question.

[65]  Antoinette Fouque, « Le génie des femmes et la démocratie, 1992 », in Gravidanza, Féminologie II, op. cit.

[66] Michèle Ramond invite Antoinette Fouque et l’AFD au colloque de Traverses – Gradiva – Université Paris VIII. Figures féminines mythiques d’hier et d’aujourd’hui, 8-9 juin 2007. J’y expose : « Dans les plis de Gradiva, Gravida ou la pensée charnelle. Invitation par Antoinette Fouque à une lecture féminologique de Gradiva, bas-relief antique et de la Madonna del parto, Piero della Francesca », Université Paris VIII.

[67]  Sigmund Freud, Le délire et les rêves dans la Gradiva de W. Jensen, 1907, Folio-Gallimard, Paris, 1986.

[68] Je souligne.

[69] Op. cit.

[70] Tout le travail de Monique Schneider nous conduit sur cette piste et notamment son dernier livre, Le paradigme féminin. Aubier, 2004.

[71] Sarah Kofman, L’énigme de la femme. éd. Galilée, 1980, revue et corrigée, 1983.

[72] J.-B. Pontalis, « La jeune fille », préface à Freud Sigmund, Le délire et les rêves dans la Gradiva de W. Jensen, 1907, Folio-Gallimard, Paris (1986).

[73] Wilhelm Jensen, « Gradiva, fantaisie pompéienne » (1903), in Sigmund Freud, Le délire et les rêves dans la Gradiva de W. Jensen, 1907, Folio-Gallimard, Paris, 1986.

[74] On connaît la passion de Freud pour cette discipline.

[75] Sigmund Freud, « L’inquiétante étrangeté », 1919, in Essais de psychanalyse appliquée, Idées-Gallimard, Paris, 1933 ; « La tête de Méduse », 1922, in Résultats, idées, problèmes II – 1921-1938, PUF, Paris, 1985.

[76] Marija Gimbutas, Le langage de la déesse, Des femmes, Paris, 2006.

[77] Geste et gestation ont la même étymologie. Gerere, gestus : porter sur soi.

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