Origine et gestation dans la trilogie du Chiapas de Rosario Castellanos

janvier 2008 |

Karim Benmiloud 

in Penser avec Antoinette Fouque, des femmes-Antoinette Fouque 2008

 

Poète, romancière, nouvelliste, dramaturge et essayiste, Rosario Castellanos est une femme exceptionnelle dans les lettres mexicaines du XXe siècle. Née à Mexico le 25 mai 1925, et prématurément décédée le 7 août 1974, à quarante-neuf ans, à Tel-Aviv, où elle était depuis 1971 Ambassadrice du Mexique en Israël, elle est l’auteure d’une œuvre considérable dont la critique commence à peine aujourd’hui à reconnaître l’importance. Comme l’écrivait le poète mexicain José Emilio Pacheco dès 1975, « Quand on relira ses livres, on s’apercevra que dans ce pays, personne n’a eu, à son époque, une conscience aussi claire de ce que signifiait la double condition de femme et de Mexicaine ; personne n’a fait de cette conscience la matière première de son œuvre, la ligne centrale de son travail. Naturellement, nous n’avons pas su la lire ».

Née dans une famille de grands propriétaires terriens, Rosario Castellanos passe toute son enfance à Comitán, dans le Chiapas, un État indien du Sud du Mexique. A l’adolescence, elle part étudier à Mexico, où elle soutient en 1950 une maîtrise de Philosophie à la Universidad Nacional Autónoma de México, avec un mémoire intitulé Sur la culture féminine[2]. Après un séjour en Espagne, où elle suit des cours d’esthétique et de stylistique à l’Université de Madrid, elle devient à son retour au Mexique, en 1952, chargée de la culture pour l’Institut des Sciences et des Arts du Chiapas, à Tuxtla Gutiérrez. De 1954 à 1955, grâce à une bourse de la fondation Rockefeller, elle se consacre à la poésie et à l’essai. De 1956 à 1961, elle travaille pour l’Institut National Indigéniste, d’abord à San Cristobal de las Casas (Chiapas), puis à Mexico, où elle rédige des textes pour les programmes scolaires.

Alors qu’elle a déjà écrit plusieurs recueils de poèmes, elle publie en 1957 Balún Canán (Les étoiles d’herbe)[3], un premier roman qui donnera bientôt naissance à une trilogie. Complétée en 1960 par un recueil de nouvelles, Ciudad Real (ancien nom de San Cristobal de las Casas)[4], et en 1962 par un deuxième roman, Oficio de tinieblas (Le Christ des ténèbres)[5], la trilogie du Chiapas constitue une œuvre fondatrice qui renoue avec les origines indiennes du Mexique. Souvent considérée comme un cycle phare de ce que l’on appelle l’indigénisme littéraire, ou même le « néo-indigénisme » — puisque la question de l’Indien y est abordée avec une réelle ambition littéraire et des procédés narratifs qui n’ont rien à envier au nouveau roman hispano-américain —, la trilogie ne saurait pourtant être réduite à la seule prééminence de la question indienne.

La trilogie du Chiapas constitue en effet une œuvre personnelle fondatrice, caractérisée par une grande cohérence : une unité de lieu, le Chiapas, où la romancière a vécu toute son enfance et où se déroule l’essentiel de l’action ; une unité de temps, puisque les trois volumes évoquent la présidence de Lázaro Cárdenas (1934-1940) et qu’ils ont été écrits entre 1957 et 1962, en l’espace d’à peine cinq ans ; et, enfin, un thème aisément repérable, la domination des Indiens par les Blancs descendants des conquérants.

Dans cet ensemble de prose narrative, nous avons d’abord fondé nos analyses sur une lecture précise et attentive du texte. Le texte étant à l’origine de ce travail, nous y avons donc fait retour, inlassablement, en cherchant ce qu’il avait encore à nous dire, volontairement ou à son insu, et en le considérant comme un tout à la fois unique et pluriel, dont nous cherchions à faire apparaître certaines virtualités. Il ne s’agit bien sûr pas de prétendre que nos propositions en invalident d’autres, mais simplement de montrer que notre objet d’étude réserve des possibilités insoupçonnées, pour ne pas dire certaines surprises. Pour le dire avec Milagros Ezquerro, « le texte produit par le sujet A est un système de signes complexe, ouvert et auto-organisateur, donc largement indéterminé, qui ne saurait en aucun cas être univoque »[6].

Notre lecture n’est donc ni le fruit du hasard, ni, à l’inverse, le résultat de l’application d’une méthode scientifique infaillible que tout autre que nous eût pu appliquer avec un résultat identique. Pour le redire avec Milagros Ezquerro, « chacun des observateurs réels donn[e] une interprétation qui réalis[e] une partie des virtualités du texte, en fonction de ses aptitudes au décodage et des particularités de son idiotope Ω »[7]. Notre lecture est le fruit de lectures, de réflexions, de discussions, de mouvements conscients et inconscients, d’intérêts et de préoccupations multiples et variés, de certains travaux antérieurs et d’autres en cours, ou même à venir, pour reprendre un paradoxe cher à Jorge Luis Borges. Enfin et surtout, notre lecture est issue des travaux d’Antoinette Fouque, et notamment des concepts qu’elle a d’abord forgés dans Il y a deux sexes[8], avant de les développer plus récemment dans Gravidanza[9].

Commençons tout d’abord par indiquer brièvement ce que nous entendons par « Origine  et gestation dans la trilogie du Chiapas de Rosario Castellanos ». Pour le dire simplement, nous entendons en réalité au moins deux choses.

Par « Origine », nous entendons, d’une part, l’Origine indienne, c’est-à-dire ce substrat indigène sur lequel – ou contre lequel – la nation mexicaine moderne s’est construite et qui, chez Rosario Castellanos, affleure ou fait retour de façon radicalement nouvelle dans l’histoire de la littérature mexicaine. C’est le Manifeste dont témoigne le titre du premier roman de la trilogie, Balún Canán, qui signifie littéralement en langue indigène les « neuf gardiens » ou les « neuf étoiles ». Il s’agit donc d’aborder l’œuvre de la romancière à la lumière de l’importance capitale qu’y revêtent les origines indiennes de l’actuel Mexique, cette région du monde conquise puis colonisée par des hommes blancs venus d’Europe, à l’instar de l’ensemble du continent américain. Il s’agit là d’une origine ethnique, linguistique, culturelle et religieuse largement méconnue des Mexicains eux-mêmes, peuple métis s’il en est, et dont la méconnaissance n’est en fait que l’ultime conséquence d’un long processus d’exploitation, d’asservissement et de destruction programmés du peuple indien.

Par « Origine », nous entendons, d’autre part, l’Origine personnelle de l’auteure, dans la mesure où le premier volet de la trilogie se présente sous la forme d’un récit dont la nature autobiographique a été maintes fois soulignée par la romancière elle-même. Dans la trilogie du Chiapas, Rosario Castellanos revient sur ses propres Origines, et en particulier sur cette région du Mexique où elle a passé son enfance et son adolescence. Elle explique ainsi : Les étoiles d’herbe « est le récit de mon enfance ; c’est, au-delà, un témoignage sur les faits dont j’ai été témoin à un moment où on a prétendu procéder à un changement économique et politique dans les lieux où je vivais alors […], mais, bien sûr, racontés sous forme de littérature, et non comme une chronique, ni comme on pourrait le raconter sur le divan d’un psychanalyste »[10] .

Au risque de simplifier outre mesure, bornons-nous à signaler ici que cette origine personnelle tourne essentiellement autour du lien de la romancière et de son double romanesque aux figures parentales, tels qu’ils et elles apparaissent dans le cadre de la fiction. Plus précisément encore, par « origine », nous entendons surtout « la mère, lieu d’identification majeure pour la fille ; premier corps d’amour », qu’évoque Antoinette Fouque dans Gravidanza[11]. Grâce aux concepts élaborés par Antoinette Fouque, il s’agira de voir que le système patriarcal et colonial qui figure en arrière-plan constant de la production narrative de Rosario Castellanos se traduit notamment par un concept-clé, la « forclusion du corps de la mère », dont nous avons cru repérer l’importance à l’échelle de la trilogie du Chiapas. Grâce à l’écriture de Rosario Castellanos, et pour reprendre les mots d’Antoinette Fouque, il s’agira donc « d’être au commencement, à la naissance d’une écriture autre. De permettre aux femmes d’accoucher de leur propre écriture, de réarticuler la procréation à la sexualité, dans une élaboration de leur génitalité, dans le temps de la production du texte vivant »[12].

 

 

1. Les Etoiles d’herbe « ou le fléau de l’absence des mères »

 

Dans Les Étoiles d’herbe, la narratrice de la première et de la troisième partie est une fillette sans prénom, âgée de sept ans, dont le père et la mère, César et Zoraïda Argüello, n’ont d’yeux que pour leur fils Mario, frère cadet de la fillette. Celui-ci mourra prématurément à la fin du roman, à l’instar du frère de Rosario Castellanos, mort lui aussi en bas âge. Grands propriétaires terriens, les parents se partagent entre leur maison de Comitán et leur ranch de Chactajal, situé dans les montagnes du Chiapas, d’où est originaire l’Indienne qui a été la nourrice des deux enfants. Comme la fillette, la nourrice reste anonyme tout au long du récit. Or, si la fillette tisse bientôt un lien privilégié avec sa nourrice, on constate que la romancière ne propose jamais la gestation comme « solution » à la douloureuse question de la quête de l’Origine qui se déploie dans le roman. Tout se passe comme s’il y avait une véritable impossibilité à envisager la gestation, dans sa réalité pleine et entière, dans sa matérialité charnelle, comme l’Origine absolue, alors même que toutes les lignes du récit tendent plus ou moins secrètement, ou plus ou moins inconsciemment, vers cette Origine-là.

A cela, d’abord, une raison politique, qui tient à la lucidité du regard que porte Rosario Castellanos sur la condition des femmes et sur les différents types d’esclavage qu’elles subissent — notamment les Indiennes du Chiapas, pauvres parmi les plus pauvres ― dans le Mexique des années trente et quarante. Cela revient à maintes reprises dans les essais de la romancière, chez les Indiens comme chez les descendants des Espagnols, les maternités successives contribuent à asservir les femmes, que l’ordre patriarcal enferme délibérément dans un « esclavage procréatif ». C’est le fameux « Tota mulier in utero », selon le vieil adage latin attribué à Hippocrate. La romancière témoigne ainsi : « Une femme respectable avait un enfant chaque année et confiait sa progéniture à des nourrices indiennes, de même qu’elle confiait les tâches domestiques à un essaim de bonnes […]. La femme, à qui sa perpétuelle grossesse interdisait tout exercice et que son progressif embonpoint contraignait peu à peu à l’immobilité complète, donnait ses ordres, décrétait les punitions, distribuait les réprimandes depuis son hamac[13] . Mais, il ne fait aucun doute que ce regard critique porté sur l’esclavage procréatif auquel sont réduites les femmes ne suffit pas à expliquer la difficulté que l’on observe à l’échelle du roman pour aborder la question de la gestation de façon directe, c’est-à-dire non médiatisée et non métaphorisée.

De cette incapacité à remonter jusqu’à l’Origine que constitue la gestation témoigne à la fois le statut de la « mère » Zoraïda, qui n’est en effet jamais envisagée comme une Origine satisfaisante par la petite fille, et inversement le statut de la « nourrice » indienne, qui n’est ni « mère » ni « génitrice » dans le roman, et doit se contenter d’incarner un lien maternel de substitution pour la fillette. En lieu et place de cette gestation originelle, le lecteur se voit proposer une série de métaphores ou de relations symboliques qui tendent à suggérer, évoquer ou simplement rappeler le lien à la « matrice » mais sous le signe de l’insatisfaction ou de l’incomplétude la plus totale. C’est ce dont témoigne la répétition du motif du coffre, dont les caractéristiques éminemment maternelles et utérines disent en fait l’incapacité à aborder de façon explicite la question de la gestation. Ainsi, le roman se présente sous la forme d’une galerie de portraits de mères impossibles, empêchées, ou frustrées, dont on peut dresser une brève typologie[14].

 

Les « génitrices contrariées »

Pour les génitrices en puissance du roman, la première fatalité, c’est d’abord le célibat, un célibat le plus souvent contraint, qui prend la forme d’une sorte de malédiction et qui se décline sous de multiples formes. Il y a la « vieille fille » Amalia, qui a renoncé à la fois à sa vocation religieuse et à fonder un foyer pour s’occuper de sa vieille mère malade ; il y a la jeune institutrice Silvina, véritable Vierge laïque que la présence des hommes effraie ; et il y a trois sœurs, les cousines de César : Francisca, la femme virile et phallique, qui dirige sa propriété d’une main de fer ; Romelia, la femme séparée de son mari, dont elle n’a pas eu d’enfant ; et Matilde, la benjamine, qui aura sur le tard une liaison avec Ernesto, le « bâtard », sans que cette union illégitime puisse davantage donner naissance à un enfant.

Dans un deuxième temps, la forclusion du corps de la mère s’observe aussi sous la forme de la figure de la « femme stérile ». Dans le roman, ce « type féminin » s’incarne dans un personnage principal, celui de l’Indienne Juana. D’abord caractérisée par une fécondité exemplaire (force de travail incomparable, talents domestiques remarquables, etc.), Juana voit tomber sur elle une fatalité absolue, la stérilité, dont il semble qu’elle doive assumer seule la responsabilité puisque la société en rejette toujours la faute sur les femmes : « Parce que Dieu l’avait châtiée en ne lui permettant pas d’avoir d’enfants »[15]. Il s’agit donc là d’une malédiction divine, mais sans que l’on sache très bien ce qui la justifie, car, dans le cas de l’exemplaire Juana, on ne voit guère, en effet, de quoi elle a pu se rendre coupable. Étrange vision du monde où un Dieu obscur s’acharne de façon arbitraire sur certaines femmes de sa « création ». Comme l’écrit justement Antoinette Fouque, « la question de l’utérus est posée en creux tout au long de l’Ancien Testament, et Dieu ouvre et ferme les utérus des femmes à sa convenance, rend stérile ou fertile, avec une série de drames et de retournements autour de cette question de la fécondité des femmes et de la gestation »[16]. Il en va de même dans Les Étoiles d’herbe, où la fertilité des femmes est soumise au bon vouloir de Dieu.

Mais, paradoxalement, la figure de la femme stérile ne s’arrête pas au personnage de Juana puisque Zoraïda, la mère des deux enfants du récit, s’avère elle aussi être une femme « stérile ». Cette stérilité-là a certes de quoi surprendre, s’agissant d’une femme qui a mis au monde deux enfants. Elle s’explique d’abord par le fait que Zoraïda aurait souhaité avoir plus d’enfants, et que les deux enfants qu’elle a eus ne constituent qu’une réalisation partielle de son désir de procréation : « Deux. Je n’ai pas pu en avoir plus »[17]. A ce premier échec, s’en ajoute un second, lorsqu’il s’avère que l’un de ces deux enfants, le fils, ne survivra pas. Avec la mort du fils, Zoraïda échoue dans la mission que lui a été confiée par l’ordre patriarcal : donner un fils au Père, seigneur et maître de la maison. Elle va de ce fait perdre son statut de « mère », puisque la fillette, seule descendance du couple, et justement sans prénom, n’a pas d’existence aux yeux du patriarcat. C’est ce qui « autorise » la nourrice indienne – prisonnière elle aussi de ce schéma de pensée, qui n’est en rien l’apanage du monde des Blancs – à conclure à la supposée « stérilité » de Zoraïda et à ignorer elle aussi l’existence de la fillette : « Jusqu’ici, pas plus loin, arrive le nom d’Argüello. Ici, sous nos yeux, il s’éteint. Parce que ton ventre a été stérile et n’a pas donné d’enfant mâle »[18].

 

La forclusion du corps de la génitrice

L’autre figure qui décline de façon hyperbolique la forclusion du corps de la mère est sans nul doute la figure de la mère avortée. Cette figure s’incarne en Matilde, l’orpheline qui ne pourra devenir génitrice, bien que le processus de gestation ait commencé dans son corps suite à sa liaison cachée avec Ernesto. Lors d’une scène de bain en eau vive, à la rivière, une première image nous est donnée de cette gestation en cours :

Matilde entrait dans le fleuve. L’eau lui lécha les pieds, s’enroula autour de ses chevilles, gonfla comiquement sa camisole. Le froid prenait possession de ce corps […]. La camisole gonflée lui donnait une apparence grotesque de ballon captif. Les enfants éclatèrent de rire en la montrant du doigt. […] Le sourire figé sur les lèvres, elle fit un pas de plus. L’eau lui arriva à la ceinture […] Encore plus avant, plus profond ; son ventre était contracté par le froid[19].

C’est une vision dérisoire de la gestation qui est ici livrée, où la grosseur du ventre maternel ne peut être dite que de façon détournée et péjorative, par le gonflement « comique » de la camisole de Matilde. Il n’est du reste pas fortuit que les enfants soient les premiers à moquer la rondeur de cette forme et de ce corps en gestation (dont ils ignorent au reste l’état), car tout se passe comme si, par leurs rires, ils montraient aussi leur incapacité à retisser ce lien charnel avec le corps de la matrice (fût-il celui de leur tante). C’est la raison pour laquelle le froid glacial de la mort se substitue peu à peu à la chaleur intime de la gestation et vient hypothéquer dangereusement la viabilité de cette naissance. Mais il y a aussi un désir de mort dans ce bain glacial, puisque Matilde s’avance un peu plus dans le lit de la rivière pour se suicider. Et la scène de noyade de révéler la progressive « ophélisation » de Matilde, pour reprendre l’expression de Bachelard : « Des algues visqueuses la frôlaient au passage. […] Ses cheveux se prirent dans une racine, ou une souche »[20].

On retrouve ici plusieurs éléments caractéristiques de cette rêverie des eaux fatales qui se déploie autour de la mort d’Ophélie dans Hamlet : désir de suicide, amour impossible, motif de la « chevelure flottante », chevelure nouée et « dénouée par les flots »[21]. Mais il y a plus, car, comme l’écrit Bachelard, cette mort par noyade a des accents éminemment maternels : « Dans la troisième élégie de Duino, Rilke, semble-t-il, a vécu l’horreur souriante des eaux, l’horreur qui sourit avec le sourire tendre d’une mère éplorée. La mort dans une eau calme a des traits maternels. […] L’eau mêle ici ses symboles ambivalents de naissance et de mort »[22]. Ce « sourire tendre d’une mère éplorée » dont parle Bachelard nous rappelle celui-là même, « congelé sur les lèvres » de Matilde, par lequel la femme-mère a ponctué sa lente entrée dans les eaux du fleuve. Sourire tendre et implorant qui nous rappelle aussi celui, introuvable, de la propre mère de l’orpheline Matilde, à jamais illisible sur un portrait hors d’atteinte : « On savait que l’unique portrait de sa mère […] était accroché si haut que Matilde ne pouvait pas le regarder, même en grimpant sur une chaise. D’en bas, le verre de l’encadrement brisait la lumière en un reflet qui brouillait l’image »[23]. Si la mort dans une eau calme a des traits maternels, ces traits sont ici sans nul doute à la fois ceux de la mère en instance, Matilde, et ceux de sa propre mère défunte, qu’elle souhaite inconsciemment retrouver dans cette mort amniotique. Or, la tentative de suicide et l’avortement qui sera pratiqué par une « guérisseuse » sont ici d’autant plus tragiques qu’ils ne sont pas dus à l’absence de désir d’enfant, mais au poids des conventions sociales et religieuses qui ne permettent pas à un couple illégitime d’avoir un enfant. A la suite de cette gestation avortée, chassée par César, Matilde part à la rencontre du dzulúm, le monstre dévorateur des légendes indiennes. Faute d’avoir pu être mère et génitrice, elle redevient « petite fille », la « niña Matilde », et part en quête de son désir de génitrice qui n’a pu être assouvi. Désir de sa propre mère, dont l’orpheline qu’elle est a injustement été privée, et désir d’un destin de gestatrice, qui a été lui aussi été interrompu.

La dernière modalité qui transforme la génitrice potentielle en « mère empêchée », c’est la mort de l’enfant, qui vient reprendre ce qui avait été prêté – plutôt que donné – au nouveau-né, c’est-à-dire la vie. La mort rôde en effet tout au long du roman, et notamment autour de Mario, le frère de la fillette sans prénom. Voyant la menace fondre sur son fils, Zoraïda n’aura d’autre solution que de s’accuser, comme si elle portait seule la responsabilité de cette mort à venir : « Pas lui, qui est innocent. Pas lui qui n’a commis d’autre faute que de naître de moi »[24]. Surtout, elle montrera bientôt qu’elle est prête à sacrifier sa fille pour sauver son fils : « Si Dieu veut dévorer mes enfants… Mais pas mon fils, pas mon fils ! »[25]. Il y a, dans Les Étoiles d’herbe, une fatalité de la gestation, tout se passant comme si, en amont de la gestation, durant la gestation elle-même, ou après la gestation, tout devait toujours conduire au dessèchement, à la stérilité ou à la mort. Point de gestation heureuse, donc, dans le roman, où la génitrice, réelle ou potentielle, est toujours contrariée dans ses projets, dans sa quête d’un homme pour concevoir un enfant, dans son travail de gestation ou dans son destin de génitrice.

La dernière figure, enfin, qui tend à fragiliser, écorner ou nier la figure de la génitrice, est celle du désamour maternel. Au regard des motifs précédents, cette figure-là pourrait sembler anecdotique, si elle n’était précisément la raison même de cette forclusion du corps de la mère qui frappe tant dans Les Étoiles d’herbe. Pour la fillette, Zoraïda, en effet, est d’abord et surtout une mère peu aimante. C’est ce que traduisent ses accès de violence physique contre la fillette, qui contrastent avec les soins dont elle entoure son fils chéri et adoré. Dés-amour encore, lorsque Zoraïda révèle sa haine des Indiens : « Et j’aurais mille fois préféré ne jamais venir au monde plutôt que de naître au milieu de cette race de vipères »[26]. Il n’est pas indifférent que la mère exprime ici sa haine de l’autre en évoquant le non-être (le non-naître), car ce faisant, en renonçant symboliquement à la vie reçue et donnée, elle touche au cœur même de la fonction génésique des femmes : l’accueil de l’autre, l’hospitalité donnée à un corps étranger dans la gestation, qui sont, selon Antoinette Fouque, la matrice même de la générosité et le paradigme du don. Elle écrit ainsi : « Il y a dans le corps (quand je dis le corps, je veux dire le corps pensant, le corps parlant des femmes ; je ne parle pas de corps animal, je parle de corps humain), il y a dans le corps d’une femme, une possibilité d’accueil, une tolérance, une générosité, une richesse par rapport à tout autre, qui peut réellement transformer, s’ils la considèrent, le rapport que les hommes ont entre eux »[27].

Au lieu de la cultiver, Zoraïda étouffe en elle cette dimension-là, se contentant d’être une supplétive du patriarcat, plus raciste et plus violente que César lui-même. C’est ce que révèle la fin du roman, où Zoraïda frappe violemment la nourrice qui vient lui annoncer la mort prochaine de Mario. Sans doute faut-il voir dans cette scène tardive une explication suffisante à la question de l’Origine telle qu’elle se pose de façon toujours plus lancinante dans l’œuvre. C’est en effet vraisemblablement parce que cette mère se montre si peu aimante que le roman est victime, comme à son corps défendant, de la forclusion du corps de la mère. C’est évidemment d’autant plus vrai que, on le devine, la mort de Mario ne fera que renforcer le désintérêt de la mère pour la fillette, c’est-à-dire, in fine, la solitude de celle-ci.

 

Rêves de mère

Il y a pourtant, dans Les Étoiles d’herbe, un vrai désir de mère et une quête éperdue de la génitrice. C’est ce que révèle une scène de bain, située très exactement au cœur du roman :

[…] Zoraïda dut remonter sur la plage. La camisole collait contre son corps, dessinant toutes les lignes d’une obésité naissante. L’eau pesait sur la toile et s’égouttait des bords. Elle amena la fillette à la rivière et, pour la mettre en confiance, elle tâtait bien le fond du pied et la maintenait à la surface jusqu’au moment où une brusque dénivellation ouvrit un petit abîme sous les pieds de l’enfant[28].

 

Comme l’indique magnifiquement l’expression « obésité naissante », c’est bien l’image de la mère, de la génitrice gestatrice tant désirée qui traverse ici fugitivement le texte. « Obésité naissante » pour dire, maladroitement peut-être, sous la surface des mots et de l’eau, le lointain souvenir de la fonction génésique et de la gravidité, mais aussi et surtout le terme de la gestation : naissante. C’est bien « la mère, lieu d’identification majeure pour la fille ; premier corps d’amour » qui apparaît ici en gestatrice à sa fille, en un spectacle rêvé, fugace et éphémère, qui justifie pleinement le vertige final (un petit abîme). Et la scène du bain s’étire et se prolonge ensuite, comme un rêve de bonheur matriciel dont la fillette souhaiterait qu’il dure éternellement. Moment de partage et de fusion, intimité avec la mère, bain amniotique dans les eaux (ré)génératrices du fleuve matriciel, poche des eaux où la fillette revit l’expérience intra-utérine :

Sous la surveillance de sa mère elle allait et venait sans dépasser les limites de ce trou où l’eau s’étalait […]. L’Indienne, nue jusqu’à la ceinture, les seins à l’air, baignait Mario en lui versant de l’eau sur la tête avec un bol. […] Matilde attendait, la serviette ouverte pour y envelopper Mario. Déjà elle l’habillait sous le toit de branchages quand Zoraïda et la fillette revinrent, les joues rouges, heureuses[29].

 

C’est ici, sur la rive du fleuve, qu’Origine du monde et Origine maternelle se confondent et fusionnent brièvement : origine mythique du monde maya, car dire Chactajal, « c’est dire lieu où l’eau abonde »[30] ; origine maternelle, car c’est là où la fillette entrevoit fugitivement la gestation dont elle est le fruit. Qu’origine individuelle et origine mythique confluent de la sorte dans le même fleuve ne doit pas nous étonner, car, dans l’imaginaire, la source du fleuve constitue un symbole puissant du mystère de l’Origine. Dans le roman, c’est là le double lieu de l’Origine : le fleuve indien de Chactajal, la vie aquatique in utero. Rares et précieux instants de bonheur partagé, entre mère et fille.

A bien y songer, ce sont bien trois figures de la « mère » qui sont réunies ici : Zoraïda, la génitrice, dont l’ancienne gestation est subtilement rappelée par l’« obésité naissante » et la poche des eaux où se baigne la fillette ; Matilde, qui est réellement enceinte à ce moment du roman, et qui fait donc, dans son corps, l’expérience même de la gestation (même si personne ne le sait) ; et enfin l’Indienne anonyme, aux seins découverts, qui n’est autre qu’un double de la nourrice de la fillette restée à Comitán, et dont le seins évoquent justement la fonction nourricière et l’allaitement post-partum. On est tenté ici de convoquer la magnifique proposition faite par Maurice Blanchot en ouverture de son fameux essai L’espace littéraire :

Un livre, même fragmentaire, a un centre qui l’attire : centre non pas fixe, mais qui se déplace par la pression du livre et les circonstances de sa composition. Centre fixe aussi, qui se déplace, s’il est véritable, en restant le même et en devenant toujours plus central, plus dérobé, plus incertain, et plus impérieux. Celui qui écrit le livre l’écrit par désir, par ignorance de ce centre[31].

Nous serions, nous, tenté de croire que cette scène du bain à Chactajal est en fait le centre secret du roman, ce vers quoi il tend profondément, consciemment ou inconsciemment. Qu’il figure en fait au centre réel du roman tendrait à prouver qu’il s’agit là d’une construction consciente de l’auteure[32], mais rien n’est moins sûr. La fin du chapitre, qui montre de jeunes Indiens nus venir perturber le bain de Zoraïda et de ses enfants, cache en réalité le véritable sens de cette « scène originelle », puisque cette nudité-là, une fois n’est pas coutume, occulte l’essentiel, ce centre « toujours plus central, plus dérobé, plus incertain, et plus impérieux » dont parle Maurice Blanchot : le formidable moment de fusion amniotique que la fillette vient de vivre avec sa mère.

Des rives du fleuve de Chactajal, la fillette rapportera du reste des petites pierres pour les offrir à sa nourrice restée à Comitán, en un touchant effort pour tenter d’articuler et de lier les deux figures maternelles du roman, la gestatrice-génitrice et la nourrice aimante. C’est donc sur la rive du fleuve que se sera opérée la brève remontée à l’Origine de la fillette : origine secrète de Chactajal, « lieu où l’eau abonde », et origine maternelle secrète, dans une poche des eaux utérine. Et l’on comprend mieux à présent pourquoi, à la fin du roman, après la mort de Mario qui plonge Zoraïda dans une atroce douleur, ressurgit l’origine mythique des fleuves, souvenir du bain heureux avec la génitrice : « Il fait bon vivre sur la rive des fleuves. En regardant passer l’eau, la mémoire se purifie. En écoutant passer l’eau la peine s’endort. Nous irons vivre sur la rive d’un fleuve »[33].

 

Premières conclusions

Dans Les Étoiles d’herbe, mis à part ce bref instant de grâce que constitue la scène du bain à Chactajal, il est frappant de constater que la mère est toujours une mère « empêchée » et que la génitrice est toujours absente ou inaccessible. Tel est le constat tragique sur lequel s’achève le premier volet de la trilogie du Chiapas, qui semble incapable de remonter explicitement – soit autrement que par la métaphore – à l’Origine que constitue la gestation charnelle dans l’utérus maternel.

On pourrait s’arrêter à cette analyse. Il nous semble pourtant qu’un détail, d’ailleurs significativement redoublé, invite aussi à lire ce premier roman comme un portrait à peine déguisé de son auteure. Il s’agit d’un petit miroir qui apparaît aux deux extrémités du roman, comme pour souligner la dimension personnelle de ce récit. Chez Rosario Castellanos, l’omniprésence du célibat et de la stérilité, la menace de l’avortement ou encore, pour reprendre le concept d’Antoinette Fouque, la « forclusion du corps de la mère », peuvent sans doute être attribuées à plusieurs facteurs, qui se conjuguent ou accumulent leurs effets pour produire le même résultat : l’omniprésence du lien douloureux à l’Origine.

Outre les aspects contextuels, qui tiennent tant au statut et à la place des femmes dans la société mexicaine qu’à la forclusion du corps de la mère dans la plupart des sociétés et des civilisations contemporaines, il y a d’abord, sans doute, dans l’histoire personnelle de la romancière, une première menace fantasmatique qui a pu peser sur la représentation de sa propre origine. Il s’agit du fait que la mère de la romancière aurait pu rester « vieille fille », comme nombre des personnages de l’écrivaine. Ce spectre du célibat de la mère apparaît en effet dans un entretien accordé par Rosario Castellanos à Samuel Gordon :

Ma mère était une femme — une jeune fille — qui était en train de rester vieille fille, ce qui est très grave, n’est-ce pas ? Elle avait vingt-deux ans et elle ne s’était toujours pas mariée, quelle horreur ! Dans un village, c’était mortel. A cette époque, mon père, qui avait vingt ans de plus qu’elle, était encore célibataire. Lui aussi était un vieux garçon[34].

L’entretien révèle une menace qui pèse sur l’origine de la romancière, et qui tient évidemment à ce mariage « miraculeux » entre deux êtres que la vie matrimoniale ne semblait pas attirer outre mesure. En ce sens, l’expression même de la romancière, qui commente le célibat prolongé de sa mère par un « c’était mortel » des plus signifiants, traduit la menace mortelle qui a pesé sur sa propre naissance. La « miraculée », de façon consciente ou inconsciente, c’est donc bien elle. Le miracle est d’autant plus avéré que, toujours selon la romancière, ce mariage ne fut pas exactement un mariage d’amour charnel. Dans le même entretien, Rosario Castellanos confie en effet :

C’est-à-dire que c’était un couple dont je ne me souviens pas…, dont je ne me souviens pas avoir jamais vu qu’ils se soient touché la main. Je ne sais pas où dormait ma mère. Ce que je sais, c’est que mon père dormait dans notre chambre, avec mon frère et moi. Ils ont bien dû se retrouver ensemble quelquefois, puisque les enfants sont nés, non ? Mais moi, je ne me souviens pas avoir jamais vu le moindre contact physique entre eux[35].

En dehors de l’ironie toujours aussi présente, soulignons le doute que Rosario Castellanos exprime sur l’existence de liens charnels entre ses parents, qui continue de faire peser une menace a posteriori sur sa propre naissance. A en croire la romancière, sa conception ne serait due qu’au « hasard ».

A ces deux premières menaces, s’en ajoute une troisième, qui tient au fait que la mère de la romancière a eu toutes les peines du monde pour avoir ses enfants. María Estela Franco nous rappelle en effet que Rosario Castellanos naquit « après plusieurs fausses couches »[36]  de sa mère. Et elle précise : « C’est même précisément pour conjurer le risque d’une mort prématurée que don César et doña Adriana abandonnent temporairement Comitán, au Chiapas, la ville où ils habitent, pour se rendre à Mexico où […] naît Rosario »[37]. Dans l’imaginaire de la romancière, les nombreuses fausses couches faites par sa mère ont donc pu également contribuer à la perception « miraculeuse » de sa propre naissance, obtenue, semble-t-il, contre la volonté du destin. Ces fausses couches successives pourraient, à elles seules, suffire à expliquer la récurrence chez la Mexicaine du thème de la stérilité, vécue comme une malédiction difficile à conjurer.

Si l’on ajoute à présent à ces trois premiers éléments la mort prématurée de son frère (qui vient a posteriori jeter le trouble quant à la fécondité de la mère, au moins dans la logique patriarcale), on découvre un tableau d’ensemble qui justifie le fait que l’Origine – c’est-à-dire, ici, la génitrice – puisse être largement occultée dans Les Étoiles d’herbe.

Le cinquième élément qui rend difficile tout accès à l’origine, c’est évidemment le désamour maternel que nous avons déjà évoqué, et qui se cristallise autour de la priorité donnée au Fils. D’abord caractérisé par une forme de désintérêt pour la fillette, ce désamour se change même en pulsion violente et agressive lorsque se profile la mort du frère de Rosario Castellanos, puisque la scène du roman où la mère se montre prête à sacrifier sa fille pour obtenir le salut de son fils est, selon la romancière, une histoire vécue[38]. Après la mort du fils, le désamour se change à nouveau en indifférence absolue, toute se passant comme si la romancière avait cessé dès lors d’exister aux yeux de ses parents :

Cette rivalité […] s’interrompit abruptement par un fait brutal : la mort de mon frère, moyen qui lui permit de m’expulser pour toujours du champ visuel de parents soudain rendus aveugles par la douleur et par la nostalgie[39].

Même si Rosario Castellanos impute la responsabilité de cette expulsion à son propre frère, dont la mort constitue ici une sorte de triomphe inattendu et paradoxal, l’important est bien de constater le résultat, à savoir le désamour parental et le sentiment d’abandon que traduisent parfaitement l’absence d’adjectif possessif et l’emploi de l’article indéterminé (de parents…).

Le sixième élément qui explique la difficile quête de l’Origine, c’est sans nul doute l’inaccessibilité de cette Origine pour la romancière elle-même, qui perdit son père et sa mère en janvier 1948, à l’âge de vingt-deux ans et demi, à quelques jours d’intervalle. Il n’est pas douteux que cette double perte, et notamment la perte de sa mère, a constitué une douloureuse épreuve pour la très jeune écrivaine. A cet égard, il est significatif que Rosario Castellanos ait rendu compte de sa soudaine solitude en termes d’orphelinage : « Être orpheline impliqua, avant tout, la brusque rupture d’un nœud d’affects et de relations pathologiques où je jouais en même temps le rôle de victime et de bourreau, et dans lesquelles je m’épuisais en remords stériles et inutiles, en promesses de rachat et de rebellions […] »[40]. Nul doute en effet que si l’origine maternelle semble à ce point inaccessible dans le roman publié en 1957, c’est parce que la double perte irréparable qui s’est produite neuf ans plus tôt, en 1948, a largement contribué à éloigner la romancière de ses origines. De sorte que, d’un point de vue personnel, on peut sans risque de se tromper avancer que l’effet conjugué de ces six facteurs détermine et explique au moins en partie le traitement particulier de la question de l’Origine dans la trilogie.

Cela étant posé, quelque incomplet ou partiel que demeure le retour à l’Origine dans Les Étoiles d’herbe, on ne saurait malgré tout nier le fait que la romancière a ainsi inauguré une voie profondément personnelle en liant de la sorte quête des Origines personnelles et quête de l’Origine indienne. Il s’agit moins, au vrai, de penser ces deux réflexions inédites en termes de marginalité et d’exclusion (ce qui conduit invariablement à insister exagérément sur les phénomènes de domination et sur la prééminence du modèle patriarcal) que de les penser en termes radicalement nouveaux d’écriture féconde et matricielle. Il est un dernier détail qui doit attirer notre attention dans le processus d’élaboration qui a conduit à la publication de ce premier roman. Nous l’empruntons à Rosario Castellanos :

En 1955, à la suite d’une conversation avec Emilio Carballido, je commençai à écrire Balún Canán, que fut terminé en dix mois[41].

Il n’est pas indifférent que Rosario Castellanos ait écrit et créé ce grand roman de l’Origine en dix mois, puisque ce temps correspond, à peu de choses près, à celui de la gestation des femmes. De sorte que même si, dans le roman, la quête de l’Origine n’aboutit pas à un résultat parfaitement probant – notamment concernant la forclusion du corps de la mère, qui ne parvient pas à être surmontée –, du moins le roman est-il, littéralement, un acte créatif éblouissant, qui démontre la possibilité d’une écriture matricielle, inscrite dans le temps de la gestation des femmes. Par la simple durée osmotique et gestatrice de l’écriture de ce premier roman, Les Étoiles d’herbe n’est donc pas exclusivement un roman de la mort, comme on le prétend souvent abusivement, mais au contraire un roman de l’Origine et de la quête de l’Origine de la vie, en un mot de la (pro)création.

 

 

2. Office des ténèbres ou les gestations secrètes

 

Suivant une double orientation personnelle et collective, et par le regard d’une enfant, la quête de l’Origine proposée par Les Étoiles d’herbe visait à échapper à la forclusion du corps de la mère et luttait désespérément contre l’effacement des origines indiennes. Malgré un dénouement tragique, marqué par la disparition de la figure de la nourrice et par une incapacité à renouer avec l’Origine maternelle suite à la mort du frère, des instants de grâce avaient été entrevus : le grand récit des Origines de Chactajal et la scène du bain partagé par la fillette et sa mère dans le fleuve de Chactajal[42].

On retrouve dans Le Christ des ténèbres plusieurs schèmes qui structuraient déjà Les Étoiles d’herbe, à commencer par le couple fondateur fillette/nourrice, désormais doté d’une identité puisque la fillette se prénomme Idolina et sa nourrice Teresa. On retrouve aussi et surtout un fait historique qui était déjà présent à l’état embryonnaire dans Les Étoiles d’herbe, à savoir le soulèvement des Indiens Chamulas à San Cristobal en 1867, qui s’acheva par la crucifixion par les insurgés d’un jeune garçon, le « Christ Indien »[43]. Transposée à l’époque cardéniste dans Le Christ des ténèbres, cette histoire réelle occupe à présent le corps du récit : né du viol d’une Indienne par un Blanc, l’enfant sera d’abord enlevé à sa mère par une Indienne stérile devenue « sorcière », Catalina Díaz Puiljá, avant d’être crucifié par la communauté indigène tout entière pour tenter de substituer au dieu des Blancs souverain un dieu autochtone.

Dans Le Christ des ténèbres, la réflexion sur l’Origine se décline donc essentiellement autour du rapt de l’Origine indienne par les Conquérants espagnols, dans sa triple modalité du vol de la parole des origines, du viol des femmes indigènes et du rapt des terres du nouveau continent. Par extension, le roman propose aussi une subtile réflexion sur le travail de la gestation, en tant qu’il est mis en coupe réglée par l’ordre patriarcal dominant (qu’il soit blanc ou indigène). Comme l’écrit Antoinette Fouque : « […] les femmes ont à faire face à une guerre particulière, comme si leur corps doté d’une fonction indispensable pour l’espèce, la fonction génésique était l’objet d’une haine immémoriale »[44]. Du point de vue de la fillette d’abord proposé dans Les Étoiles d’herbe, l’on est à présent passé à une vision de femme adulte, où la question de l’Origine ne se déploie pas seulement en amont, mais aussi et surtout en aval, c’est-à-dire vers la procréation, la gestation et la constitution du sujet-femme en tant que porteuse d’utérus.

L’attitude de Catalina Díaz Puiljá, constamment tiraillée entre l’idéal du don et la tentation du rapt, illustre de façon paroxystique la douleur d’une femme qui ne peut procréer et ne dispose dans la société mexicaine de cette époque d’aucune autre forme d’accès à l’existence et à la reconnaissance. C’est évidemment parce que l’ordre patriarcal est parvenu à enfermer les femmes dans un esclavage procréatif, sans pour autant leur témoigner la moindre reconnaissance pour leur travail de production de génitrices – cette production de « vivant-parlant » qu’a justement définie Antoinette Fouque –, que Catalina reste marquée par l’envie plutôt que par le don et ne peut dépasser sa « stérilité » apparente, alors même que la fonction d’éducatrice et d’anthropocultrice qu’elle a remplie auprès de son fils adoptif Domingo montre qu’elle est femme, être de langage et de culture, dont la mission civilisatrice pourrait constituer un apport décisif à la communauté indigène et à l’humanité.

Déclinant le thème de l’envie d’utérus et de la quête de la fécondité à partir du motif de la grotte de tzajal-hemel, où Catalina célèbre un rite païen, la réflexion symbolique sur l’utérus, le corps des femmes et le travail de la gestation s’enrichit aussi d’un développement inédit et profondément original sur le christianisme. On aurait tort en effet de distinguer là deux problématiques distinctes : la réflexion personnelle sur l’origine et la gestation menée par une femme écrivaine, d’une part ; et la réflexion historique menée par une romancière « indigéniste » sur la question de l’Indien, la réforme agraire, ou encore le syncrétisme religieux, d’autre part. En réalité, en racontant la double histoire de Catalina Díaz Puiljá et du sacrifice d’un Christ indigène, Rosario Castellanos raconte bel et bien une seule et même histoire. C’est ce que prouve d’ailleurs le fait que Catalina, la femme stérile, soit précisément la mère adoptive du futur Christ sacrifié (soit une manière de Vierge Marie), en un schéma qui répond à une nécessité absolue.

Cette histoire-là, selon nous, tourne autour de la question essentielle de l’utérus et de la gestation, dans la mesure où, d’un point de vue symbolique, le christianisme lui-même, et notamment la figure du Christ, « rapte » lui aussi à son profit la question de la gestation, en particulier à partir du thème de la résurrection. Partant du récit de la Genèse, Antoinette Fouque explique très justement dans Gravidanza que tant l’Ancien que le Nouveau Testament se livrent à un détournement ou à une captation systématique de la gestation :

Il m’a toujours semblé que la fable de la Genèse était toute entière mise en substitution et en exploitation, c’est-à-dire en forclusion, de la gestation. Comme on sait, ce n’est pas Ève qui enfante l’humanité, elle est tirée de la côte d’Adam. […] Pour ce qui est du Nouveau Testament, Marie produit un fruit avec ses entrailles, mais elle est vierge. […] On pourrait aussi questionner la résurrection du Christ et y voir un principe féminin et même femelle, une mimesis de la capacité d’engendrer la vie, mais à partir de la mort. De même qu’Adam s’approprie la compétence d’Ève, le Christ s’approprie celle de Marie : la compétence du vivant[45].

La question du sacrifice du Christ indigène est donc absolument indissociable de la stérilité de Catalina, dans la mesure où, en destinant son fils adoptif à la Croix, Catalina postule inconsciemment une gestation substitutive : après celle de la grotte où elle a donné naissance aux idoles païennes (qui était à tout le moins marquée par une libido créatrice), la gestation inversée du tombeau, réplique du sépulcre d’où, selon les Évangiles, le Christ ressortit vivant au matin du troisième jour, ressuscité. Par ce sacrifice offert, Catalina révèle en réalité sa soumission à un ordre religieux patriarcal dont les femmes sont systématiquement exclues, à l’image de cette renaissance/résurrection du Christ, obtenue elle aussi sans femme ni génitrice, par une claire captation théologique de la gestation charnelle tant désirée et tant enviée. Cette appropriation ne se lit du reste pas simplement dans la naissance et la résurrection du Christ, mais aussi dans un autre dogme du christianisme, la Trinité. Comme le souligne justement Antoinette Fouque : « La production de vivant est tripartite : un que multiplie une font un ou une à venir. Cette tripartition a toujours été dénaturée par le thème de la Trinité : trois ne font qu’Un seul »[46] (Dieu). Au cœur du Christianisme (comme de nombreuses autres religions du reste), il y a donc, encore et toujours, le rapt de la fonction génésique.

C’est le double sens ultime qu’il faut conférer au titre original du roman, Oficio de tinieblas (Office des ténèbres), qui renvoie à la fois à un office funèbre en mémoire de la mort du Christ dans l’attente de sa résurrection ; et, plus secrètement, à ce travail secret de la chair, à l’élaboration intra-utérine et à la vraie gestation (que la résurrection attendue de Domingo Díaz Puiljá tente maladroitement d’imiter, mais qui ne pourra aboutir qu’à un échec)[47].

Au-delà de l’anecdote historique reprise par Rosario Castellanos, il ne fait pas de doute que la question de la fécondité et de la gestation est bien au cœur du roman et en informe chaque détail : elle irrigue en effet à la fois la douloureuse trajectoire de Catalina, la femme stérile, et, beaucoup plus secrètement, celle du Christ indigène sacrifié et de son impossible gestation-résurrection dans le tombeau. Au matin du troisième jour, c’est-à-dire le dimanche de Pâques (auquel renvoie précisément le prénom du personnage), Domingo Díaz Puiljá ne ressuscitera pas. Il n’y a bien qu’une seule et unique gestation possible, celle qui s’élabore dans et par le corps des femmes. C’est la raison pour laquelle la fin du roman, dans son avant-dernier chapitre, évoque de nouveau la gestation :

Parce que c’est la volonté des dieux que les Tzotzils survivent. Dans les grottes et à l’air libre, de nuit et en plein jour, femmes et hommes s’accouplent pour se perpétuer. La femme féconde marche avec lenteur et se cache près des cours d’eau quand arrive le moment d’accoucher. (ch. XXXIX)[48]

Point de résurrection, donc. La seule éternité, c’est celle qu’assure la reproduction de l’espèce par les femmes. Le salut, s’il doit y en avoir un, ne viendra une nouvelle fois que des femmes, de l’intime et de l’oralité, dans un ultime chapitre où réapparaît Idolina, devenue grande, et sa nourrice Teresa. C’est une dernière scène de récit mythique, où la nourrice raconte à Idolina l’histoire d’une sorcière et de son fils de pierre, de leur règne et de leur chute. Recréation magique des épisodes tragiques vécus dans les mois et les jours précédents ; vitalité de la parole indigène qui façonne, recompose et sublime le matériau brut des faits historiques et de la langue ; don et partage de la parole entre une Indienne et une Blanche : « La nounou se tut. Avec douceur, elle mit la tête de sa petite fille endormie sur l’oreiller. Silencieusement, elle revint à sa place. Il ne ferait pas jour avant longtemps »[49]. On aurait donc tort de ne considérer la trajectoire de Catalina dans Le Christ des ténèbres que comme l’échec d’une femme à accéder à la conscience et à l’autonomie en tant que sujet-femme.

Cependant, en tant que romancière, il n’est pas contestable que Rosario Castellanos éprouve de grandes difficultés à articuler de façon satisfaisante procréation et création d’un point de vue théorique et littéraire. Dès 1950, les conclusions de son essai Sur la culture féminine en témoignent, qui hésitent à identifier dans la gestation charnelle et dans la création littéraire ce que Antoinette Fouque a appelé la libido creandi des femmes, et qui s’exerce dans l’un et l’autre cas avec la même vitalité (pro)créatrice. Reconnaissant l’importance de la fonction génésique remplie par les femmes, la romancière écrit pourtant : « La femme satisfait son désir de devenir éternelle par la maternité et perpétue, à travers elle, la vie dans le corps, le corps sur la terre »[50]. Mais, de façon significative, elle n’arrive ensuite à penser la création littéraire des femmes que comme une compensation face à la frustration d’une « maternité » impossible : « La maternité est un instinct capable de se transformer en sentiment conscient et, quand pour des raisons physiques, psychologiques ou sociales, il n’est pas correctement exercé, il provoque chez le sujet une tentative de compensation sur un autre terrain qui est, par imitation, par manque d’alternatives et par manque de perspectives meilleures, celui de la culture »[51]. La conclusion suivante est encore plus douloureuse, qui semble dénier aux femmes toute originalité dans la création : « L’orientation de l’activité féminine vers la culture n’est donc ni originelle ni authentique, mais le simple produit d’une frustration »[52]. Or, si ces lignes datent de 1950, tout porte à croire qu’elles inspirent encore largement la trilogie du Chiapas, où l’on ne trouve en effet guère d’exemple de génitrice comblée et heureuse, ni d’artiste ou d’écrivaine qui se réalise dans une activité créatrice, ni, surtout, de femme qui soit à la fois génitrice et artiste.

Pour Rosario Castellanos, tout se passe en effet d’abord comme si la fonction génésique ne parvenait pas à être débarrassée du poids de l’esclavage procréatif. Tout se passe ensuite comme si l’art ou l’écriture ne pouvait être, pour les femmes, que le fruit d’une frustration et le résultat d’une incapacité à procréer (soit le résultat d’un investissement de substitution). Et tout se passe enfin comme si création et procréation étaient absolument incompatibles, les femmes devant alors nécessairement sacrifier l’une de ces formes de « création » pour mieux se consacrer à l’autre.

Or, la trajectoire de Rosario Castellanos montre heureusement qu’il n’en est rien. De même que Les Étoiles d’herbe, écrit en dix mois, finissait par naître d’une temporalité proprement génésique, de même Office des ténèbres et le secret travail de la chair qu’il évoque se double d’une expérience fondatrice pour la romancière, qui donne en effet naissance à son fils Gabriel en 1961, c’est-à-dire précisément pendant la rédaction de ce deuxième roman. Ainsi, même si la trilogie du Chiapas ne porte pas directement la trace théorique et consciente de cette compatibilité entre procréation et création, du moins en constitue-t-elle la preuve pratique dans la trajectoire personnelle de l’auteure.

Nous conclurons avec Antoinette Fouque, qui, dans Gravidanza, appelait de ses vœux « une écriture qui ferait retour au moment de la gestation pour sortir de l’écriture matricide et aller vers le matriciel ; une écriture qui n’écraserait pas l’oralité, qui ne la soumettrait ni ne s’y soumettrait, mais qui partagerait, qui ouvrirait à la géni(t)alité […], pour faire entendre la voix du texte, la chair qui se fait verbe. Une écriture articulée à une libido creandi qui signifie autant création génésique (procréer) que création artistique (créer). Une création par l’écriture qui soit articulée à la chair, à la pensée génésique […], en tenant compte du temps de la fécondité et de la gestation »[53]. Nous croyons, quant à nous, que l’écriture de Rosario Castellanos est de ces écritures-là.

Janvier 2008

 

[1] Cet article reprend quelques-unes des analyses de notre ouvrage inédit proposé pour l’Habilitation à Diriger des Recherches, qui fut soutenue en Sorbonne le 8 décembre 2007.

[2] Cet essai a récemment été publié au Mexique : Sobre cultura femeniba, Mexico, Fondo de Cultura Economica, 2005 (prologue de Gabriela Cano).

[3] Les Etoiles d’herbe (traduction de Jean-François Reille). Paris, Gallimard (La Croix du Sud), 1962.

[4] Ce recueil de nouvelles n’a pas été traduit en français.

[5] Le Christ des ténèbres (traduction de Jean-Claude Andro et Annette Andro). Paris, Gallimard (La Croix du Sud), 1970. Ce livre a ensuite été réédité : Paris, Gallimard (coll. Du monde entier), 1994.

[6] Milagros Ezquerro, Fragments sur le texte, Paris, L’Harmattan, 2002, p.34 (nous soulignons).

[7] Ibid.

[8] Antoinette Fouque, Il y a deux sexes (Féminologie I), Paris, Gallimard, 1995 (éd. revue et augmentée, 2004).

[9] Antoinette Fouque, Gravidanza (Féminologie II), Paris, Des femmes, 2007.

[10] Maria Luisa Cresta de Leguizamon, « En recuerdo de Rosario Castellanos », La palabra y el hombre (Revista de la Universidad Veracruzana), n°19, 1976, 3-18, p.3 (nous traduisons).

[11] Antoinette Fouque, Gravidanza (Féminologie II), op. cit., p21.

[12] Antoinette Fouque, Gravidanza (Féminologie II), op. cit., p29.

[13] Rosario Castellanos, El uso de la palabra (Prologue de José Emilio Pacheco), Mexico, ediciones de Excelsior-Cronicas, 1974, p. 207 (nous traduisons).

[14] Cette typologie reprend en partie celle de Rosario Castellanos elle-même, dont elle a donné un bouleversant exemple dans son poème intitulé « Kinsey Report », où figurent ainsi différents « types » de femmes : la femme mariée, la célibataire, la divorcée, la nonne, la vieille fille, etc. In Poesia no eres tu, Obra poética : 1948-1971, Mexico, Fondo de Cultura Economica, 1972, p. 317-320.

[15] Les Etoiles d’herbe, p. 144.

[16] Gravidanza (Féminologie II), op. cit., p. 163.

[17] Les Etoiles d’herbe, p. 199.

[18] Les Etoiles d’herbe, p. 189.

[19] Les Etoiles d’herbe, p. 129-130 (nous soulignons).

[20] Les Etoiles d’herbe, p. 130.

[21] Gaston Bachelard, L’eau et les rêves. Essai sur l’imagination de la matière, Paris, José Corti, 1942 (réed. 1971), p. 114.

[22] Gaston Bachelard, op. cit., p. 122.

[23] Les Etoiles d’herbe, p. 99.

[24] Les Etoiles d’herbe, p. 201.

[25] Les Etoiles d’herbe, p. 206.

[26] Les Etoiles d’herbe, p. 39.

[27] Antoinette Fouque, Gravidanza (Féminologie II), op. cit., p. 144.

[28] Les Etoiles d’herbe, p. 124 (nous soulignons).

[29] Les Etoiles d’herbe, p. 124 (nous soulignons).

[30] Nous traduisons.

[31] Maurice Blanchot, L’espace littéraire, Paris, Gallimard (Idées, n°155), 1968.

[32] La scène figure en effet au chapitre X (sur XVIII) de la deuxième des trois parties dont se compose le roman (les deux parties qui encadrent la partie centrale étant constituées chacune de vingt-quatre chapitres.

[33] Les Etoiles d’herbe, p. 233.

[34] Samuel Gordon, « Rosario Castellanos : cruando el pasado maneja la pluma con ira », Revista de la Universidada Hebrea de Jerusalen, cité par Maria Estela Franco, in Rosario Castellanos, Otro modo de ser humano y libre (semblanza psicoanalitica), Mexico, Plaza y Janes, 1985, p. 27.

[35] Samuel Grodon, art. cit., cité par Maria Estela Franco, op. cit., p. 28.

[36] Maria Estela Franco, op. cit., p. 27.

[37] Ibid.

[38] Voir notamment l’entretien avec Samuel Gordon, in Maria Estela Franco, op. cit., p. 44.

[39] Rosario Castellanos, Los narradores ante el publico, Mexico, Joaquin Mortiz, 1966, p. 89 (nous traduisons).

[40] Rosario Castellanos, Los narradores ante el publico, op. cit., p. 95 (nous traduisons).

[41] Rosario Castellanos, Los narradores ante el publico, op. cit. p. 96 (nous traduisons).

[42] Nous ne faisons pas figurer dans cet article nos conclusions concernant le deuxième volume de la trilogie du Chiapas, Ciudad Real. Nous renvoyons pour cela à notre ouvrage inédit.

[43] Dans Les étoiles d’herbe, ce récit tient en quelques lignes : « Personne ne savait comment apaiser les puissances ennemies. On se rendait dans les grottes obscures, chargé de présents, pendant les époques calamiteuses. On mastiquait des feuilles amères avant de dire les prières et même une fois, désespéré, on avait choisi le meilleur pour le sacrifier » (p. 90).

[44] Antoinette Fouque, Il y a deux sexes, op. cit., p. XIII-XIV.

[45] Antoinette Fouque, Gravidanza (Féminologie II), op. cit., p. 163.

[46] Antoinette Fouque, Il y a deux sexes, op. cit., p. I.

[47] Pour Aralia Lopez Gonzalez, l’ « office des ténèbres » du titre fait allusion à la douloureuse gestation de la nation mexicaine de la nation mexicaine elle-même, au croisement de deux dates-clés, le débarquement des conquérants et le sacrifice du Christ indigène. Voir son article « Horizontes de comprension heterogeneos y retos de lectura de Oficio de tinieblas de Rosario Castellanos », in Milagros Ezquerro, Escritoras mexicanas (voces y presencias) , Paris, Indigo, 2004, 31-54, p. 45. Et aussi son essai monographique : La espiral parece un circulo. La narrativa de Rosario Castellanos (Analisis de « Oficio de tinieblas » y « Album de familia »), Mexico, Universidad Autonoma Metropolinata, 1991, p. 112-113.

[48] Le Christ des ténèbres (nous traduisons).

[49] Le Christ des ténèbres (nous traduisons).

[50] Rosario Castellanos, Sobre cultura femenina, op. cit., p. 216 (nous traduisons).

[51] Ibid. (nous traduisons).

[52] Ibid. (nous traduisons).

[53] Antoinette Fouque, Gravidanza (Féminologie II), op. cit., p. 28.

Documents en relation :

Février 2008 |

Œuvre vive

Laurence Zordan in Penser avec Antoinette Fouque, des femmes-Antoinette Fouque 2008   Profondeur de la pensée et limpidité […]