Œuvre vive

février 2008 |

Laurence Zordan

in Penser avec Antoinette Fouque, des femmes-Antoinette Fouque 2008

 

Profondeur de la pensée et limpidité de l’engagement : la première réclamerait une exégèse et le second un roman, tant il est vrai qu’Antoinette Fouque est un personnage.

Quelques aspects de la densité conceptuelle des travaux sont ici évoqués, pour montrer leur puissance de germination, qui m’a poussée à relire d’autres auteurs.

Un socle théorique d’une exceptionnelle solidité permet de fonder une éthique de la vie et de la différence, une esthétique de la géni(t)alité, une politique du « bond au dehors » et du droit de symbolisation, une philosophie de la liberté/libération.

Si la richesse d’une œuvre se mesure au large spectre des discussions qu’elle suscite, si la pertinence d’un itinéraire, d’une méthode se révèle en dévoilant des passages secrets jusqu’à des notions tenues à tort pour évidentes, alors les ouvrages d’Antoinette Fouque permettent d’« ouvrir de nouvelles portes auprès desquelles nous passions jadis sans remarquer qu’elles étaient fermées »[1].

C’est bien l’ignorance de l’ignorance, l’ignorance qui s’ignore elle-même qu’il s’agit de démasquer sans se contenter d’être un pourfendeur d’idées reçues. Démonter un raisonnement comme un mécanisme dont on met au jour les rouages ne suffit pas. La démarche d’Antoinette Fouque est plus ambitieuse, car elle n’est pas négative – sur le mode du dénoncer, contester. Il y a un ton, un timbre, une voix dans ses pages, qui résonnent de manière très vivante, pas raisonneuse. Elles peuvent dès lors éveiller des résonances,- fussent-elles polémiques,- sur toute l’étendue d’un vaste champ philosophique.

C’est à cet effet d’écho que nous donnons ici la parole :

 

Une éthique de la vie et de la différence

En quoi les femmes peuvent-elles contribuer à la fonder ? En reconnaissant, tout simplement, qu’elles existent. « Il y a deux sexes », écrit Antoinette Fouque et cette affirmation placide recèle un potentiel subversif perçu dès l’Antiquité :

 

« Comment se fait-il qu’il y ait deux sexes ? Comment se fait-il qu’il y ait des hommes et des femmes ? Hippolyte se demande ainsi pourquoi il y a des femmes. Il ne devrait y avoir que des hommes ! Ce serait mieux et beaucoup plus simple. Mais il y a des hommes et des femmes. »[2]

Cette plongée dans le passé traduit combien cette pensée est intempestive, au sens étymologique de qui bouscule le temps, qui bouscule son temps.

Qu’il y ait deux sexes montre que l’un n’est pas dérivé de l’autre au sens où l’on évoquerait en marketing les produits dérivés, qui déclinent une marque au travers, par exemple, d’un événement sportif. La femme n’est pas un produit franchisé labellisé par un homme franchiseur dont il faudrait s’affranchir. La femme n’est pas non plus une adjonction culturelle sur un substrat masculin, une construction influencée par des pratiques sociales, et le célèbre « on ne naît pas femme, on le devient » mériterait de souligner une condition préalable: pour penser le devenir, il convient d’abord de penser l’être.

Il y a deux sexes, il y a des femmes, et c’est ce « il y a » qui est proprement révolutionnaire, nous rappelant la définition kantienne de la modalité du jugement: « les jugements sont problématiques lorsqu’on admet l’affirmation ou la négation comme simplement possibles (arbitraires), assertoriques quand on les y considère comme réelles (vraies) ; apodictiques quand on les y regarde comme nécessaires ». Entre le problématique, l’assertorique et l’apodictique la situation des femmes fluctue. Qu’il y ait des femmes ne va pas de soi, en dehors des recensements de population et des registres d’état civil.

Quelles conséquences tirer de l’existence des femmes ? je ne fais pas ici allusion à des conséquences économiques et sociales en termes de position dans une hiérarchie sur le mode des droits des femmes et de la parité. J’oserais plutôt évoquer un registre ontologique et éthique : de même qu’en philosophie  les preuves de l’existence de Dieu tentent d’expliquer la relation entre le fini et l’infini, de même la preuve de l’existence des femmes est une pensée de la création dans la finitude.

« Il ne faut pas oublier que les femmes ne produisent ni des vaches ni des singes, mais du vivant-parlant. Elles sont productrices de corps, donc productrices de langage ». [3]

Création dans la finitude qui appelle incompréhension et captation.

Incompréhension au sens où Einstein affirmait « ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible », indiquant que les progrès les plus spectaculaires de la physique ne pouvaient rendre compte du pourquoi l’acte de comprendre, pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien. De la même manière, les progrès de la génétique et de la biologie peuvent décrire des conditions de possibilité mais pas expliquer la possibilité de ces conditions.

Captation aussi, car « il est occulté que les femmes produisent du vivant et, quand c’est accordé, c’est le père qui arrive. (…) Travailler à ce que le « faire » puisse se dire et se symboliser, là se situe la culture des femmes. Créer, c’est pouvoir faire et dire qu’on fait. C’est réconcilier les deux parts divisées, de sorte qu’elles produisent du vivant-parlant.

On peut dire que la culture des femmes est une culture en production, en gestation, une culture devant, en avant, au futur. Le corps fait, travaille et produit effectivement du vivant qui n’est pas érigé mais complètement indépendant ».[4]

« Indépendant » fait mystère : là encore, le vivant-parlant n’est pas un produit dérivé conçu sur le mode de la fabrication. « C’est cela qui est forclos, refoulé, intolérable aux hommes, et aussi le fait de dire ce que nous faisons : car ce dire est puni de mort, transgressif par rapport à la loi qui décrète : elles ne font pas, elles ne parlent pas, ou si elles font, elles ne savent pas ce qu’elles font. Cela leur échappe : nous nommons  ce qu’elles font, mais elles ne doivent pas le dire, pas le savoir, pas le penser. »[5]

Que de l’être produise de l’être, et non pas un produit, amène au « dépassement de la notion de sexe dans la maturation génitale », avec « une société où il y aurait des réalités différenciées et productrices de vivant, plutôt que seulement des objets et des déchets », pour aller au-delà du « refoulement du corps et son impérialisation par le sexe ».[6]

Une telle ambition ne marchande pas avec la représentation du corps, délivré de l’emprise du marchandisage qu’est l’ensemble des techniques assurant, grâce à une stratégie adaptée, la meilleure diffusion commerciale des produits. Marchandisage qui peut connaître des variantes narcissiques, avec les exercices de maximisation des potentialités en vue de l’épanouissement personnel.

Antoinette Fouque approfondit une pensée du corps exigeante, qui, même en s’en distinguant sur le fond, revêt la forme hautement conceptuelle d’une phénoménologie de la perception :

« Je ne traduis pas dans le langage de la vue les données du toucher ou inversement,- je n’assemble pas les parties de mon corps une à une ; cette traduction et cet assemblage sont faits une fois pour toutes en moi : ils sont mon corps même. Dirons-nous donc que nous percevons notre corps par sa loi de construction, comme nous connaissons d’avance toutes les perspectives possibles d’un cube à partir de sa structure géométrique ? (…) Le corps nous enseigne un mode d’unité qui n’est pas la subsomption sous une loi. (…) Je ne suis pas devant mon corps, je suis dans mon corps, ou plutôt je suis mon corps. Ni ses variations ni leur invariant ne peuvent donc être expressément posés. Nous ne contemplons pas seulement les rapports des segments de notre corps et les corrélations du corps visuel et du corps tactile : nous sommes nous-même ce qui tient ensemble ces bras et ces jambes, celui qui à la fois les voit et les touche. (…) Ce n’est pas à l’objet physique que le corps peut être comparé, mais plutôt à l’œuvre d’art. Dans un tableau ou dans un morceau de musique, l’idée ne peut se communiquer autrement que par le déploiement des couleurs et des sons. L’analyse de l’œuvre de Cézanne, si je n’ai pas vu ses tableaux, me laisse le choix entre plusieurs Cézanne possibles, et c’est la perception des tableaux qui me donne le seul Cézanne existant, c’est en elle que les analyses prennent leur sens plein. (…) Un roman, un poème, un tableau, un morceau de musique sont des individus, c’est-à-dire des êtres où on ne peut distinguer l’expression de l’exprimé, dont le sens n’est accessible que par un contact direct et qui rayonnent leur signification sans quitter leur place temporelle et spatiale. C’est en ce sens que notre corps est comparable à l’œuvre d’art. Il est un nœud de significations vivantes et non pas la loi d’un certain nombre de termes covariants »[7]

Si le corps nous enseigne un mode d’unité qui n’est pas la subsomption sous une loi, nous sommes appelés à une existence « déliée », mot qui revient plusieurs fois sous la plume d’Antoinette Fouque.

Déliée, ce qui est le contraire de dissolu et d’enchaîné. Déliée parce que placée sous le sceau de la réconciliation de soi avec soi, à la manière de cette philosophie morale dont Éric Weil disait : « le but de toute vie morale n’est atteint que par l’homme réconcilié avec lui-même, être passionné et raisonnable : seul l’homme heureux est vertueux, et il ne l’est pas parce que la vertu produirait le bonheur en lui comme quelque chose d’autre qu’elle-même (…) : le bonheur est la vertu, la vertu est le bonheur de l’être raisonnable en son existence finie et conditionnée ».

Existence déliée, également, parce que capable d’examiner diverses formes de liens dans le cadre d’une éthique qui ne soit pas monocorde et monochrome.

On peut juger de l’intérêt d’un cheminement intellectuel selon la diversité des chemins qu’il ouvre, surtout lorsque ceux-ci s’en éloignent. Ainsi, l’armature conceptuelle apportée par Antoinette Fouque permet d’analyser les récentes évolutions de ce que l’on a appelé le care :

« Il existe actuellement, à l’intérieur du monde académique anglo-saxon, dans des disciplines aussi diverses que la philosophie, la psychologie ou la sociologie, des tentatives pour faire de l’affectivité le ciment de la morale. Il s’agit, plus spécifiquement, de mettre l’accent sur des sentiments qui organisent le rapport à autrui sur le mode du soin ou de la sollicitude… Ces courants de pensée procèdent d’un travail d’enquête sur les expériences et les intérêts des femmes qui aboutit à un classement des différences empiriques entre les hommes et les femmes en matière de conduite morale. En général, les femmes sont beaucoup plus investies que les hommes dans les relations de soins, d’attachement ou de sollicitude qui supposent un fort engagement affectif ; les hommes portent plus d’intérêt à leur construction individuelle et établissent des relations qui laissent davantage de place à la compétition, aux règles et aux lois qui permettent l’établissement d’une distance affective dans les rapports aux autres. .. »[8]

La pensée d’Antoinette Fouque dépasse les enjeux du care et m’inviterait plutôt à porter sur lui un regard critique. La « nouvelle donne affective » ne risque-t-elle pas de masquer un cliché fort ancien : aux femmes, l’intuition et la tendresse, aux hommes la conceptualisation et le pilotage des choses sérieuses ?

Promouvoir une générosité qui ne soit pas affadie, incarner un parcours englobant qui préfère l’ubiquité de la vie à la mondialisation de la peur : telles sont les pistes qu’il convient d’explorer.

Il ne s’agit pas de donner tout le temps, partout, à tous. Point d’éthique de la féminité sous les traits d’une dame patronnesse en internaute cybergénéreuse. Grande lectrice de Sénèque, Antoinette Fouque rappelle que c’est moins ce que l’on donne que la manière de le donner qui importe.

Donner son temps, prêter sa voix à celle qui risquait d’être étouffée en Birmanie : acte exemplaire de générosité. Pas de solidarité édulcorée des bons sentiments, mais une véritable aspiration à une générosité universalisable.

C’est devenu un poncif que de regretter les risques inhérents à la mondialisation. Peur de la contagion sanitaire, peur de la précarisation de l’existence par une concurrence débridée, peur de l’éclatement des bulles financières, peur de la peur transfrontière devant l’imprévu des menaces… Face à tout cela, Antoinette Fouque ne se réfugie pas derrière les remparts d’une éthique de la sollicitude prônant l’empathie universelle ou un altruisme un peu mièvre. Ses propos sont roboratifs, montrant ce formidable pouvoir qu’ont les femmes de donner la vie.

Anticipant sur les travaux concernant l’utérus artificiel,[9] elle met en lumière les enjeux d’une procréation par « ectogénèse ». Ce qui est en cause n’est pas la crainte passéiste de voir ressurgir un projet futuriste, ce n’est donc pas la peur devant un scénario de science fiction, mais l’analyse des ressorts du pouvoir ici et maintenant, c’est-à-dire partout, avec la mondialisation et la tyrannie de la gestion en temps réel, sous le sceau de l’immédiat et de l’instantané.

A cette oppression par le temps virtuel de la connexion informatique planétaire,  Antoinette Fouque substitue la réalité d’un temps au travail (la gestation), véritable temps réel. Il s’agit alors d’une entreprise globale (on ne fabrique pas un organisme comme un assemblage de pièces détachées), globalité qui, loin d’être le simulacre de la globalisation (dit-on aujourd’hui avec l’effacement des frontières), trouve sa concrétisation dans le parcours englobant d’Antoinette Fouque, à la fois cofondatrice d’un mouvement, éditrice, député européen, psychanalyste, professeur…, dans cette unité foisonnante qu’est l’épanouissement de la vie, dans la puissance d’attraction que recèle le terme même de vocation.

Vocation, appel à, dès l’origine soulignent l’intérêt de la notion d’anthropoculture : « les femmes sont anthropocultrices parce que le travail utérin, la production de vivant-parlant précède le travail de puéricultrice et que personne ne peut contester que la puériculture est une science tirée de l’expérience humaine largement à la charge des femmes », écrit Antoinette Fouque.

Or, l’anthropoculture souligne que la procréation n’est pas production de l’idem, mais éveil à l’ipse. L’ipse n’est pas l’identique, mais l’identité réflexive par conscience de l’identité.

L’anthropoculture permet l’éclosion de l’éthique : il ne suffit pas de mettre au jour (en donnant la vie), ni de mettre à jour (en actualisant un dispositif par des techniques révolutionnaires, l’intelligence artificielle permettant de créer des robots affectivement programmés, comme dotés d’émotions et de projets).

L’anthropoculture met l’accent sur la personne,- ce terme fût-il abondamment connoté. Et la personne est responsable, elle parle un langage qui peut se distinguer d’une programmation informatique. La personne n’est ni le robot ni l’avatar, ce dernier désignant la personnalité virtuelle tendant parfois à supplanter la personnalité réelle. La vie n’est pas Second Life : une jeune adepte expliquait un jour que « les bulles la chatouillaient quand elle plongeait son avatar dans un jacuzzi virtuel ».[10]

Nous sommes conviés à penser le réel plutôt que de trouver refuge ou rêverie dans le virtuel.

 

Une esthétique de la géni(t)alité

Non pas l’esthétique de l’esthète, du sentiment esthétique, mais une théorie des plus ambitieuses, qui donne de l’ampleur au souhait de Taine, en dépassant la problématique des beaux-arts :

« supposez qu’on parvienne à définir la nature et marquer les conditions d’existence de chaque art : nous aurions alors une explication complète des beaux-arts et de l’art en général, c’est-à-dire une philosophie des beaux-arts ; c’est là ce qu’on appelle une esthétique ».[11]

L’intuition d’une unité « principielle » (et de la diversité de ses manifestations) méritait d’être pensée. Créer, procréer : il n’y a pas de solution de continuité ; c’est à la fois un même mystère et un même élan.

« Comment faire pour créer ? » n’est pas une question de femme, à moins qu’elle ne se pose à partir de l’interdit et de la censure (…) Ce sont les hommes qui demandent comment faire pour créer, et qui ont cette angoisse du faire, comme Lénine et bien d’autres ; ce sont eux en fait qui cherchent comment faire comme : car le faire n’est rien d’autre que la production du vivant, la production génitale. Une femme, elle, ne se demande comment faire qu’autant qu’elle en est empêchée (…). Lutter contre  la misogynie, c’est cela : c’est lutter pour qu’un faire sans comment s’effectue et pour que l’interdit cesse de porter sur les effets du faire»[12]

Le génie artistique est reconnu, la méconnaissance n’étant que la célébrité différée chez le poète maudit ; la postérité se chargera en effet de l’exalter en raillant l’académisme. A l’inverse, le génie est frappé d’ingénuité chez les femmes, que l’on voudrait maintenir dans une position de créatrices à leur insu : pourvu qu’elles continuent de faire sans savoir qu’elles font. Leur capacité à faire se retourne en incapacité car elles ne posent pas et ne se posent pas la question « que faire ? », éminemment politique. Elles ne prennent pas la pose. Le « que faire ? » de Lénine ouvre sur un programme, une vision du monde… et donc sur des perspectives d’envergure. Il y a une stature, une posture dans « que faire ? » qui regarde les femmes de haut.

Face à une politique du faire, (avec plan et homme nouveau, qu’il soit révolutionnaire, ultra-libéral ou néo-conservateur, qu’il veuille changer le monde ou sauver la planète, modifier la donne géostratégique ou maintenir le concert des nations), face à cette politique fabriquant des objectifs, peut-on penser, incarner une poétique de la géni(t)alité ? Peut-on élargir le regard en l’invitant à se porter sur ce que l’on ne voit jamais ? Le dénombrable, l’assignable, le quantifiable monopolisant le champ de vision, peut-on s’exercer à un devoir de subtilité ? Subtilité à discerner les facteurs subtilisant le génie des femmes. Subtilité qui montrerait que le génie n’est pas une ingéniosité raffinée, sur fond d’ingénierie universelle, vaste articulation de flux et de procédures, bricolage planétaire économico-stratégico-financier ? Une géni(t)alité qui ne se laisse pas prendre au piège de l’ingéniosité/ingénuité.

Il existe une libido creandi, une libido utérine, une écriture matricielle qui ne soit pas matricide. Antoinette Fouque donne tout son sens à l’intuition poétique, telle qu’exprimée par un Rilke ou un Pasternak :

« La poésie, c’est la prose, la prose non pas au sens de la totalité de l’œuvre en prose de tel ou tel écrivain, mais la prose elle-même, la voix de la prose, la prose en acte et non la paraphrase littéraire. La poésie est le langage du fait organique, c’est-à-dire du fait qui comporte des conséquences vivantes. Et, bien sûr, comme tout au monde, elle peut être bonne ou mauvaise, selon que nous la conservons sans l’altérer ou bien que nous nous ingénions à la gâcher. » Dans ce discours de 1934, Pasternak qui avait célébré Ma sœur la vie, évoque ainsi cette puissance vivante qui s’oppose aux démons de l’attraction destructrice responsable du tragique destin du Docteur Jivago.

L’écriture matricielle permet de ne pas céder à l’appauvrissement de la vie dénoncé par Rilke, vie réduite à un pauvre recoin d’espace, « une place devant la fenêtre », et la conséquente restriction des relations entre les hommes, extraites, en quelque sorte, des virtualités infinies pour être placées sur un coin de rive en friche où il ne se passe rien »[13]

Cette stérilité du regard empêche d’embrasser le vaste champ de l’épistémophilie, dont Antoinette Fouque incarne la griserie pluridisciplinaire.

Vocation attentive à toutes les nuances de la vie, pour comprendre ce qui est caché – et non pas seulement ce qui est visible jusqu’à être voyant, criard -, la libido utérine/ libido creandi se prête à la perception des contrastes qui ne font pas de l’un la simple privation de l’autre, pas plus que la femme n’est un homme privé de l’essentiel.

« Jusqu’à la Renaissance, l’ombre n’avait joué dans la peinture qu’un rôle supplétif. Elle servait essentiellement à donner l’illusion du relief des objets. Mais c’est avec Léonard de Vinci que l’ombre prend, pour ainsi dire une part active à la constitution du spectacle que le tableau, interprétant la réalité plutôt que s’efforçant de la reconstituer, offre à l’œil de celui qui le regarde. (…) Vinci rompt radicalement avec l’idée que l’ombre d’un objet ou d’une personne est quelque chose d’unique et d’uniforme, dont un simple assombrissement des teintes est capable de rendre compte. (…) L’ombre est ainsi considérée par Léonard comme un principe actif, qui assure la visibilité des objets. Sans elle, ils seraient noyés dans un flot de lumière indifférencié. »[14]

La dimension utérine du caché est essentielle pour la lecture et la compréhension :

« Tant que je n’ai pas compris ce qu’un écrivain ignore, je m’estime moi-même ignorer ce qu’il a compris », affirmait le poète Samuel Coleridge.

La gestation, l’écriture matricielle est puissance d’accueil, tout comme la Bibliothèque des voix, aux éditions Des femmes, dit la puissance de la vie, face au papier brûlé. L’image de l’autodafé hante l’imaginaire.

De manière prosaïque lorsque l’on affirme que trop de livres sont publiés (faut-il brûler ceux qui sont superflus ?), lorsque l’on invite à laisser de côté les chefs-d’œuvre du passé censés ne pas améliorer les performances du présent.

De manière tragique également, avec la censure et les bûchers totalitaires.

Les gardiennes du feu littéraire se dressent devant l’image de l’autodafé, dont la mise en scène romanesque est parfois d’une féroce ironie :

« le monde de Auto-da-fé est désintégré – « un monde sans tête », «Une tête sans le monde », et « Un monde dans la tête » sont les titres, adéquats, de chacune de ses parties – et à première vue incohérent, un amalgame de faits et de personnages dont la nature et l’articulation ne répondent pas à une logique rationnelle mais au seul arbitraire artistique.

(…) Cette image de la bibliothèque en proie aux flammes et l’immolation de son propriétaire préfigure graphiquement les inquisitions nationales socialistes et la destruction d’une des cultures les plus créatives du moment sous l’effet du totalitarisme nazi. Et aussi la responsabilité qui en incomba à maints artistes et intellectuels, complices de l’aliénation collective ou incapables de la détecter et de la combattre lorsqu’elle était en gestation. Si la culture ne sert pas à prévenir ce genre de tragédie historique, quelle est alors sa fonction ? »[15]

Il faut posséder un courage certain pour publier des livres qui ouvrent un monde susceptible de heurter le monde comme il va. Il ne s’agit pas de répondre à la pulsion latente d’autodafé en éditant des brûlots, mais plutôt de faire jaillir l’étincelle de la réflexion.

Puissance de vie opposée aux démons de la destruction ou aux facilités de la marchandisation, l’écriture matricielle peut appeler la censure, tout comme avait été porteuse d’effroi la peinture de Rembrandt qui ne se conformait pas à  :

« (…) une morale de la peinture qui assigne à la pratique picturale une fin aseptisante et purificatrice : résoudre le rapport du peindre au subjectif dans le retour à l’ordre figuratif, à la peinture du signe. Rôle désodorisant de cet art de l’image qui opère, par la représentation, le refoulement du vivre impliqué dans tout acte pictural, dans tout acte artistique. (…) Un même réflexe névrotique des académies devant l’inquiétante étrangeté de la peinture vivante. Vivante d’une vie qui, débordant les tableaux où elle se manifeste, est l’invention d’un mode de vie.

(…) Et c’est, en 1655, le Bœuf écorché. Rembrandt choisit comme lieu théorique la nature morte. Avec le portrait, c’est le genre privilégié d’une bourgeoise qui demande à la peinture de lui montrer et de lui compter ses richesses, qui lui demande d’être en accord avec ses fondements économiques. La nature morte offre l’exercice d’une peinture qui collecte, qui amasse, qui construit un fétichisme de la marchandise, – l’essentiel pour le peintre consistant à valoriser l’objet représenté par une description dramatisée. Or, le Bœuf écorché n’est pas décrit, au sens où il ne donne pas à voir un ensemble d’unités discontinues, nommables. Parlant à son propos d’une « espèce de barbouillage », est ainsi mis en évidence ce sur quoi les contemporains de Rembrandt avaient achoppé : la matière et la gestuelle. (…) La pléthore picturale qui s’y donne à voir, cet amas de pâte colorée portant l’empreinte de sa trituration, exhibe un corps refoulé par la pensée classique, par les discours des moralistes et des théologiens.  Et quel meilleur motif qu’un taureau châtré pour mettre en scène le lieu de ce refoulement ? »[16]

Figurer la vie sous les traits d’une nature morte, ou plutôt sentir la vie palpiter dans la mort, préférer un modèle-repoussoir à un esthétisme des convenances, tout en faisant une œuvre d’art et non pas œuvre de provocation est certes paradoxal. C’est justement parce qu’il est contraire à l’opinion commune que nous avons choisi cet exemple. L’intérêt est en effet de montrer que la géni(t)alité, l’écriture matricielle ne sont pas des célébrations béates de la vie. Rien de bêtifiant dans la libido utérine, tout au contraire.

 

Génialité, génitalité, héritage et transmission sans généalogie ?

« Il faudrait que dans l’expérience de ces héritages, de ces acquis transmis, se produise ce qu’on peut appeler un événement, quelque chose de la pensée ou de l’écriture qui ne soit pas déductible de l’héritage, qui interrompe d’une certaine manière l’héritage, qui jure avec l’héritage.

« Qui jure avec l’héritage : j’improvise cette formule, elle me tombe dessus et soudain j’y tiens. Je m’y tiendrai. Dans « qui jure », il faut entendre à la fois qui fasse acte de fidélité (serment, acte de foi, ne pas trahir). Quand je lis, mon premier souci est de ne pas trahir celui que je lis ou dont je parle. Je jure de ne pas trahir chaque fois. Même si je trahis, j’ai fait de mon mieux pour ne pas trahir. Et en même temps, jurer avec c’est aussi faire autre chose, détonner, trahir d’une certaine manière, c’est- à-dire faire quelque chose qui ne soit pas réappropriable, qui soit autre. Qui n’imite pas, ne reproduise pas, au risque même de la fausse note, mais qui prenne ce risque pour obéir à l’engagement de fidélité. J’appelle souvent cela, ce pari, contresigner ».[17]

 

Une politique du « bond au dehors » et du droit de symbolisation

« Il n’y a pas à éviter la question du pouvoir, ni le pouvoir ; c’est l’abus de pouvoir qui est dangereux. Du point de vue politique, nous sommes dans une indépendance absolue, et c’est pour cela que nous avons donné des statuts au MLF. »[18]

« Il y a une très grande agitation, mobilisation, explicitation, sensibilisation politique (…) Il n’est pas question de passer de la situation d’exclusion interne à une position d’externement, ce que nous avons fait, pour se réintégrer à nouveau dans des structures inchangées. Je pense que le bond au dehors est quelque chose d’important, qui pose la question de comment penser l’externement à une clôture phallogocentrique et d’institution patriarcale, et puis comment cet externement peut-il ne pas être un ghetto ? »

« Ce sont les hommes qui veulent que les femmes soient féministes. C’est pour ça que je dis que le féminisme est l’un des derniers piliers du patriarcat. »

En prenant le contre-pied du schéma dominant, en jouant sur la permutation (des femmes qui veulent être comme les hommes, avoir la même position que les hommes, prendre la/les places des hommes), le féminisme ne va pas jusqu’au bout de la mutation requise. La permutation court toujours le risque d’être résorbée, « récupérée » par ce qu’elle combat, en épousant, finalement, la même logique, fût-ce de réfutation. L’adversaire continue, en effet, en étant reconnu comme adversaire, d’imposer son théâtre d’opérations.

Le « bond au dehors » invite à penser au-delà du cadre de combat habituel pour récuser l’idée même de combat en lui préférant l’analyse, le droit de symbolisation. Un symbole n’est pas une comparaison (on ne se borne pas à demander que les femmes fassent comme les hommes) ; un symbole, étymologiquement, tient ensemble ce qui est séparé. Un symbole suppose d’analyser (et donc de séparer) ce qui semblait aller de soi pour rapprocher, ensuite, deux réalités qui paraissaient ne pouvoir se rencontrer.

Analyser, comprendre les ressorts cachés, fussent-ils animés de sincérité :

« c’est au moment d’appliquer l’exigence de sincérité à ma vie comme une règle rigoureuse que je mesure la profondeur machiavélique et retorse de ma mauvaise foi : je n’étais sincère qu’à condition de ne pas prétendre l’être ; à condition de ne pas le savoir ; à condition de ne pas m’établir à l’enseigne de la sincérité : de la sincérité je suis tombé dans le sincérisme professionnel, de la pureté dans le purisme, voire même dans le puritanisme. C’est dire que la pureté existe seulement dans les distractions brévissimes de l’innocence et les fractures instantanées de la conscience ; elle renaît quand je cesse d’y penser, comme Anima recommence à chanter quand Animus ne la regarde plus ; un instant d’inattention lui permet de refleurir, mais les longues heures de sécheresse et de la conscience trop consciente détruisent à nouveau sa fraîcheur ».[19]

Ce sont les ambiguïtés de la prise de parole qui guettent et la pensée spéculative ne doit pas se transformer en posture spéculaire.

La sincérité la plus transparente peut être profondément insincère à l’insu de celui qui la promeut.

Chez Antoinette Fouque, l’action n’est pas conçue sur un mode vibrionnant, ni la pensée sur un mode éthéré.

En étant une pionnière constamment aux avant-postes, elle nous permet de ne pas céder aux modes de l’instrumentalisation du récit :

« depuis qu’elle existe, l’humanité a su cultiver l’art de raconter des histoires, un art au cœur du lien social. Mais depuis les années 1990, aux États-Unis, puis en Europe, il a été investi par les logiques de la communication et du capitalisme triomphant, sous l’appellation de storytelling ; celui-ci est devenu une arme aux mains des gourous du marketing, du management et de la communication politique, pour mieux formater les esprits des consommateurs et des citoyens. (…) Les usages instrumentaux du récit à des fins de gestion ou de contrôle aboutissent ainsi à dénoncer le contrat fictionnel (qui permet de discerner la réalité de la fiction et de suspendre l’incrédulité du lecteur, le temps d’un récit) en imposant à des « lecteurs » transformés en cobayes ce que le management appelle des « expériences tracées », c’est-à-dire des conduites soumises à des protocoles d’expérimentation »[20]

 

Une philosophie de la liberté/libération

Dans un monde dématérialisé où tout circule, où le mouvement perpétuel est à lui-même sa propre justification, où la substance cède devant la performance, où le réel n’est qu’une hypothèse au sein d’un univers virtuel, la liberté risque de se confondre avec l’attitude libérale-libertaire.

Il convient de se dégager de cette alliance paradoxale du libertaire (exhortation à émanciper l’individu de tous les tabous historiques et culturels qui sont supposés faire obstacle à son fonctionnement comme pure « machine désirante ») et du libéral (projet d’une société dont le marché auto-régulateur constituerait l’instance à la fois nécessaire et suffisante pour ordonner, au profit de tous, le mouvement brownien d’individus rationnels, c’est-à-dire animés par l’intérêt bien compris)[21].

La liberté n’est ni libérale ni libertaire. Elle est, avant tout, une libération qui va au-delà de ce que l’on a coutume d’appeler la liberté positive.

Être libéré des obstacles internes que sont la faiblesse, l’instinct et l’ignorance, autant que des obstacles externes qu’impose l’ingérence d’autrui, est le signe d’une liberté positive. Comme l’indique son nom, elle est plus substantielle que la liberté négative (être libre de l’ingérence d’autrui dans la poursuite des activités que l’on est capable, dans une culture donnée, d’exercer sans l’aide d’autrui)[22].

Antoinette Fouque va encore plus loin que cette liberté positive en parvenant à articuler ce qu’il y a de plus intime dans la liberté de chacun et ce qui est action collective. Psychanalyse et politique en témoigne.

Une liberté par le mouvement et non dans la stance figée de la solitude :

« La paradoxale douleur de la solitude, c’est qu’elle n’a pas d’objet. Nous souffrons non de ce qui nous affecte, mais de ce que notre vie n’affecte celle de personne. Elle nous fait mal du bien que nous ne faisons pas. Nous sentons qu’elle nous ôte ce qu’elle nous empêche de donner. »[23]

Une liberté par l’indépendance face à la sphère grandissante du marché :

« Les sociétés occidentales offrent au monde un visage original et, par de nombreux aspects, pathétique. Mais elles ne le savent pas. Ces sociétés, si l’on en croit du moins ceux qui sont les porte-voix légitimes, tendent à se confondre avec une vaste et intense machine productrice de biens, de services, d’idées, de sentiments, d’affects et de désirs. (…)

Longtemps, on s’est représenté la modernité comme l’âge des ouvertures, des grands horizons, de l’univers infini. Sortant des sociétés religieuses closes et répétitives, l’humanité était entrée dans un régime nouveau que l’on supposait conduire à la réalisation intégrale des possibilités recélées dans les facultés, dans la nature et dans l’histoire même des hommes. Mais cette civilisation, telle que nous la connaissons mieux maintenant, n’est-elle pas fort différente de la conception que s’en faisaient les prophètes de la modernité ? Ne s’est-elle pas rétrécie et enfermée dans une logique de la « production pour la production » (…)

L’illimitation productive et marchande débouche sur une nouvelle clôture du monde, produit une réduction générale des humains et de leurs activités à des objets dont la valeur – et, partant, leur droit à l’existence – ne dépend que de leur utilité économique. Le règne des quantités auquel nous sommes assignés se confond avec l’idée dominante du bonheur humain maximal. Et l’homme même est transformé en « produit consommable » comme suffisent à l’attester les formules aujourd’hui en usage de « ressources humaines » et de « capital humain ».  Le néolibéralisme actuel semble radicaliser cette orientation de longue durée, ignorant ce qui, dans le lien social, présidait aux réciprocités entre générations, entre sexes, entre groupes, pour ne retenir de la vie sociale que l’articulation marchande des fins individuelles à maximiser ».[24]

Une liberté par la maîtrise de l’espace et du temps L’espace des femmes se distingue d’une représentation cadastrale de la réussite.

Pluridisciplinaire, maison d’édition et galerie d’art, lieu de dialogue et de découverte, l’espace des femmes,  symbolise un itinéraire intellectuel échappant à :

« l’oubli de la vie qui n’est que le corollaire de notre fascination pour le monde. Notre vie, nous voulons pouvoir nous la représenter, et nous ne pouvons le faire qu’en la transposant et en l’insérant comme un objet privilégié dans le monde, où tout est objet. Notre principal souci devient alors la place que nous y occupons, de notre surface, de notre position, de notre situation, de nos relations. A cette représentation cadastrale de notre existence, correspond une attitude conquérante à l’égard des autres. L’espace étant devenu la mesure de notre avoir, notre avoir celle de notre pouvoir, et notre pouvoir celle de notre vie, toute notre existence est mobilisée par une frénésie de prédation. Alors que le propre de la vie est sa diffusion et sa propagation, l’instinct d’appropriation ramène tout à soi. Tandis que la vie s’exerce dans le don, le souci de notre importance n’est obsédé que de prendre. Au lieu que la vie s’exerce d’autant plus qu’elle se communique davantage, à l’inverse nous ne gagnons dans le monde que ce que  nous faisons perdre aux autres, et ne possédons que ce dont nous les dépossédons. Voilà comment, pour devenir objet de notre représentation, notre représentation nous a assigné un statut d’objet. Ainsi a-t-on pu se donner l’illusion d’être ce que l’on avait l’illusion d’être vu. »[25]

Ne pas céder à l’illusion de l’être vu pour être entretient la visibilité d’une œuvre vive, et, en paraphrasant Julien Gracq dans Plénièrement, on pourrait écrire que  le système d’idées adhère alors si intimement à la singularité exemplaire d’une femme qu’il garde cette particularité d’être à la fois un mouvement à large diffusion, et un tissu sensible, toujours irrigué, toujours innervé, auquel il demeure impossible de toucher sans atteindre quelqu’un  dans ses œuvres vives, sans ressentir en même temps la chaleur d’un contact personnalisé.

A une époque où l’on cherche plus à être vu qu’à voir, où l’intellectuel engagé met en scène ses propres reniements, où le mea culpa de s’être trompé est aussi péremptoire que l’était la thèse incriminée, la présence d’Antoinette Fouque n’a guère besoin de ces gesticulations pour être rayonnante. Le rayonnement se sépare plus que jamais de la médiatisation à outrance, et les ouvrages d’Antoinette Fouque ne sont pas de ces baudruches que dégonfle un revers d’audimat. Je n’ai pu m’empêcher de songer à la boutade de Keynes : « si j’ai deux cents dollars de dette, j’ai un problème avec la banque ; si j’ai deux millions de dollars de dettes, c’est la banque qui a un problème avec moi. » Les textes d’Antoinette Fouque illustrent cette puissance de renversement du lien auteur-lecteur : si ce dernier ne parvient pas à mesurer l’impact de ces ouvrages, c’est qu’il a un problème avec la pensée.

Antoinette Fouque met le monde en idées et ses idées en action. Ses écrits, ses propos sont capables de mettre en mouvement un « nous », en une trajectoire qui se distingue du parcours jalonné par les slogans parfois suspectés d’être l’invitation au grégarisme. Elle ne cède pas à la facilité que serait la dynamique d’un manifeste jouant sur les ressorts de l’adhésion. C’est à un exercice véritable que nous sommes conviés, dans le jaillissement d’une pensée qui efface le partage entre spontanéité et maturation.

Une parole, une écriture coalescentes, opérant une admirable soudure entre le passé et l’avenir, parce qu’être à l’avant-garde, ce n’est pas basculer dans le culte de modes effaçant les nouveautés par l’irruption du nouveau.

Une biographie intellectuelle serait un précieux viatique, « un genre de travail qui consiste à raconter la vie intérieure de l’âme, c’est-à-dire l’histoire de son propre esprit et de son propre cœur, en vue d’un enseignement fraternel »[26].

 

Février 2008

 

[1] Lettre de Chalamov à Pasternak

[2] In La traversée des frontières de Jean-Pierre Vernant (éd. Du Seuil 2004)

[3] in Gravidanza d’Antoinette Fouque (éd. Des femmes 2007)

[4] ibid.

[5]  ibid.

[6] ibid.

[7] in Phénoménologie de la perception de Maurice Merleau-Ponty.

[8] La sollicitude/ la nouvelle donne affective des perspectives féministes, de Fabienne Brugère in revue Esprit (janvier 2006)

[9] Travaux  synthétisés, par exemple, par le professeur Henri Atlan

[10] in Virtuel, mon amour / penser, aimer, souffrir à l’ère des nouvelles technologies de Serge Tisseron (éd. Albin Michel  2008)

[11] in Philosophie de l’art

[12] Antoinette Fouque  op. cit.

[13] cité par Jean-Michel Maulpoix, dans son commentaire de « Lettre à un jeune poète » de Rilke (Folio 2006)

[14]   in L’envers du visible/ Essai sur l’ombre  de Max Milner  (éd. Du Seuil 2005)

[15] à propos du livre d’Elias Canetti, Auto-da-fé, extrait de La vérité par le mensonge de Mario Vargas Llosa (éd. Arcades Gallimard 2006)

[16] in Rembrandt/ L’odeur de la peinture de Gérard Dessous (éd. Laurence Teper 2006)

[17] Entretien avec Jacques Derrida,  « La vérité blessante ou el corps à corps des langues » in revue Europe mai 2004.

[18] Antoinette Fouque, op. cit.

[19] in Quelque part dans l’inachevé de Vladimir Jankelevitch (Gallimard)

[20]  in Storytelling/ la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits de Christian Salmon (éd. La découverte 2007

[21] in La culture du narcissisme de Christopher Lasch,  préface de Jean-Claude Michéa (éd. Climats 2000)

[22] article de Philippe Pettit in Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale sous la direction de Monique Canto-Sperber (PUF 1996)

[23] in Traité des solitudes de Nicolas Grimaldi (PUF 2003)

[24] in L’homme économique de Christian Laval (éd. Gallimard  2007)

[25] Grimaldi ibid.

[26] In Histoire de ma vie de George Sand.

Documents en relation :